128 LE TRAVAIL PENDANT LE HAUT MOYEN AGE Au-dessus de cette forme de production indus- trielle, existe celle du grand domaine où le travail a pu être divisé et spécialisé, mais où il n’a pour objet que l’approvisionnement d’un groupe plus étendu que la famille, sans chercher à alimenter les marchés du dehors. Les besoins économiques du domaine sont si simples que l’activité de l’industrie domaniale est assez réduite. D'ailleurs, les ouvriers sont des esclaves ou des serfs qui n’ont d’autre stimulant de leur effort que la crainte du châtiment, et qu’aucun intérêt personnel n’incite à pro- duire. Ils reçoivent d’autres serfs la matière première, provenant du domaine, de sorte que dans ce système, il n’y a ni entrepreneurs, ni capital d’entreprise à rému- nérer, ni salaires, ni préoccupations de prix de revient ou de prix de vente. Tantôt l’ouvrier travaille isolé et dans ce cas il est tenu de fournir des redevances (cens) serviles au maître, sous forme d’objets fabriqués. Tantôt il est groupé avec d’autres ouvriers dans les ateliers seigneu- riaux. Le degré d’habileté que requiert son métier est le criterium qui détermine sa valeur personnelle aux yeux du maître et de la loi. C’est pourquoi l’orfèvre, le forgeron, le menuisier, le tisseur ou la brodeuse sont placés au pre- mier rang de la hiérarchie ouvrière servile. L'organisation des ateliers monastiques. — Tout grand domaine à un personnel d’ouvriers qui sont énumérés dans le fameux capitulaire de villis de Charlemagne et dans les chartes ou règlements des monastères. Ces artisans sont groupés en ateliers maseulins (cameræ) ou féminins (gynecia, sereonæ), distribués en équipes, soumis à l’autorité hiérarchique et disciplinaire de contre-maîtres, les ministériauæ (ministeriales), ou de chefs {magistri) de condition servile comme eux. Ils peuvent être au nombre de plusieurs centaines dans une villa impériale, où sont concentrés tous les services industriels, meunerie, boulangerie, boucherie, brasserie, poissonnerie, oisellerie,