176 L’APOGÉE D'ÉTRAVAIL MÉDIÉVAL une part, à titre de concession franche ou servile. S'il n’a pas accès à la propriété du capital foncier, le vilain, du moins, grâce à son travail, est certain de participer au revenu de ce capital. D’autre part, l'intérêt du maître se rencontre avec celui du paysan pour assurer à ce dernier, sinon la propriété, du moins la jouissance indéfinie de la terre. Si le propriétaire conserve jalousement la propriété éminente du sol et la majeure part des revenus qu’elle assure, le vilain qui, seul par son travail, procure la per- pétuité de ce revenu, se trouve investi, en vertu d’un contrat formel ou tacite, d’un usufruit perpétuel, infé- rieur de peu par sa valeur à là propriété complète. Il peut transmettre sa tenure à ses béritiers, malgré bien des obstacles ; il parvient même à obtenir la permission de la vendre ou de l’échanger. Cette espèce de possession est un acheminement vers la formation de la propriété paysanne qui apparaîtra un peu plus tard. En attendant, le vilain, usufruitier possède sur sa tenure une certaine indépendance ; il peut conduire à sa guise son exploitation. On ne lui demande que d’accomplir exactement ses obli- gations. Enfin, dans le système d’économie naturelle qui prévaut encore, ‘l’exploitant profite directement du produit de son travail, puisqu’il consomme ou qu’il garde lui-même toute la part nette qui reste, une fois que ses redevances et ses charges ont été acquittées. Si les vilains n’ont point de statut légal défini, ils vivent du moins sous la protection du contrat ou de la coutume qui a fixé ou qui tend à fixer leurs devoirs et à leur reconnaître des droits. Cette stabilité ne s’est pas établie sans effort et elle est sujette à bien des restrictions. Mais à mesure que les besoins de la colonisation agricole deviennent plus urgents, cette concession s’impose à tous les seigneurs soucieux de leur intérêt, lié à la mise en valeur du sol. Ainsi les vilains obtiennent de plus en plus une fixité de charges qui finira par améliorer sensible- ment leur sort, mais à laquelle ils ne sont encore parvenus