X LA QUESTION D’ORIENT. France et l’Angleterre se sont constituées à plusieurs reprises les gardiennes de l’intégrité de l'empire ottoman, tantôt contre la Russie et l’Autriche, tantôt par méfiance l’une de l’autre. Après la guerre turco-russe de 1878, c’est l’Europe tout entière qui est intervenue pour empêcher l’anéantis sement de la puissance turque en Europe, et après les mas sacres d'Arménie et l’insurrection de la Crète, le concert des grandes puissances, à la suite de la France, a pris sans rire pour mot d’ordre le principe de VIntégrité de l’em pire ottoman qui remplace désormais pour nous le Gesta Dei per Francos, tandis que l’Allemagne, plus cynique, manifestait pour le Sultan rou^e une amitié br uyante autant qu’intéressée. Malgré les délais que les rivalités et les ambitions des nations chrétiennes ménagent à la décadence de l’Islam, il semble bien qu’en dépit des conquêtes religieuses qu’il continue à faire en Afrique, sa puissance politique soit des tinée à disparaître. Ce n’est pas sans raison que M. Driault définit la question d’Orient : le problème de la ruine de la puissance politique de l’Islam. Pour envisager ce problème dans toute son étendue, il ne fallait pas se borner à l’étu dier dans le bassin de la Méditerranée ; il fallait montrer l’Angleterre détruisant les états musulmans de l’Inde et menaçant l’indépendance de l’Afghanistam ; la Russie devenue maîtresse de la côte septentrionale de la mer Noire, conquérant tout le Turkestan, franchissant le Cau case et s’emparant d’une partie de l’Arménie, s’agrandis sant aux dépens de la Perse même, à laquelle elle impose son impérieuse amitié ; la France créant, du cours du Congo aux frontières de la Tunisie, un grand empire africain où l’isla misme est la religion dominante ; l’Égypte échappant à l’au torité du sultan pour devenir une province anglaise ; le Monténégro, la Grèce, la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie arrivant successivement à l’indépendance par la diplomatie et par la guerre ; enfin l’Autriche et l’Angleterre mettant la main l’une sur la Bosnie et l’Herzégovine, l’autre sur Chypre, en leur qualité de protectrices de la Turquie. C’est de tous les côtés à la fois, sur toutes ses frontières d’Asie, d’Afrique et d’Europe que l’Islam a été contraint de reculer