PllÉFACE PAR G. MOiNOD. Al et d’abandonner quelques-unes de ses provinces à la domi nation ou au protectorat des chrétiens. Cette marche en avant de l’Europe chrétienne contre l’Islam esc si bien une forme moderne de la croisade que la diplomatie européenne admet à l’égard des Turcs des principes qui lui paraîtraient des énormités s’ils étaient appliqués à une autre puissance. Pendant la guerre de Thessalie en 1897, on a répété à satiété le prétendu principe d’après lequel tout territoire ottoman libéré delà domination turque ne peut jamais ren trer sous le joug du sultan. On serait, je pense, bien embar rassé de dire sur quelles règles du droit des gens se fonde eet axiome. La vérité, c’est que les Turcs se sont montrés incapables de former une seule nation des populations musulmanes et chrétiennes qui sont juxtaposées dans l’em pire ottoman, incapables aussi de leur assurer une bonne administration, la sécurité de leurs personnes et de leurs biens, incapables de leur appliquer un autre système de police que la spoliation et les massacres. La ruine graduelle de la domination turque en Europe apparaît aux politîques et aux historiens comme une nécessité inéluctable. On n’hé site que sur le moment où cette ruine sera achevée et sur la manière dont elle se produira. Ce qui retarde ce moment, c’est précisément la difficulté de régler le partage de l’empire ottoman et la crainte d’une conflagration générale chaque fois que la question d’Orient menace d’entrer dans une phase aiguë. L’Europe sent en elle tant de causes de guerre et elle a si peur de la guerre que les moindres incidents orientaux la font tressaillir. Quand on se rappelle la vigoureuse intervention de Napo léon III en Syrie lors des massacres des Maronites par les Druses, on est stupéfait de voir avec quelle indifférence l’Europe a laissé s’accomplir les massacres bien autrement atroces des Arméniens, organisés et commandés par le gou vernement d’Abd-ul-Hamid. Elle n’a mis en mouvement sa diplomatie et mobilisé ses forces que pour maintenir en Orient un statu quo nécessaire à sa propre tranquillité. Il est en effet si difficile d’imaginer de quelle manière l’O rient pourrait être organisé le jour où le sultan serait chassé de Constantinople, on sent si bien que les hasards de la force