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Les chiffres précédents, qui arrivent à un total de 6.854.000
invalides de guerre pensionnés, ne représentent qu’une partie de
l’ensemble des invalides de guerre, car nous n’avons pu recueillir
de statistiques officielles sur le nombre des victimes de la guerre
mondiale en Turquie, en Bulgarie, dans les Etats baltes, au Portu
gal, en Hongrie, au Japon, ni les chiffres relatifs à la guerre en Asie-
Mineure et aux guerres antérieures à 1914. Mais il est permis de
penser que le nombre total des invalides de guerre est supérieur
à 10 millions.
L’immense majorité de ces invalides de la guerre est constituée
par des travailleurs. En Allemagne par exemple, plus de 80 % des
invalides de guerre sont des salariés bénéficiaires de la législation
sur l’assurance obligatoire contre la maladie'. Les statistiques alle
mandes portant sur près d’un million et demi d’invalides paraissent
posséder une valeur générale; en appliquant cette proportion au
nombre total des invalides de guerre, on peut évaluer à 8 millions
environ le nombre des invalides salariés. Si 1 on remarque que les
âges de ces 8 millions d’hommes varient de 25 à 45 ans et qu’ils
appartiennent aux générations de travailleurs dont la production
est le plus considérable, on est autorisé à constater que la guerre
a fait de la question du placement des invalides un élément im
portant du problème de la répartition de la main-d’œuvre et de la
production.
Le placement des millions d’invalides parait dominé par deux
considérations essentielles :
1° Le travail est une nécessité absolue pour la plupart des inva
lides. Avant la guerre, l’immense majorité d’entre eux vivaient de
leurs salaires; devenus invalides, ils reçoivent des pensions qui, en
aucun pays, ne sont suffisantes pour leur permettre de vivre sans
travailler, même s’ils sont très gravement atteints;
2° Les invalides, obligés de chercher dans le travail un gain
nécessaire, sont mal armés pour affronter le jeu de la loi de 1 offre
et de la demande. Ils sont destinés à être vaincus par les travailleurs
valides, surtout si leur rendement est réduit d une manière consi
dérable par leurs infirmités. Les employeurs embauchent un homme
valide, dont le rendement est certain, plus volontiers qu’un inva
lide dont le rendement est présumé avoir subi une réduction plus
ou moins considérable et qui semble plus particulièrement exposé
aux risques d’accidents, susceptibles d’ailleurs d’avoir des consé
quences d’autant plus graves qu’il y a des infirmités préexistantes.
La capacité professionnelle de l’invalide est difficile à déterminer,
il en résulte, pour la fixation des salaires, des conflits que redoutent
les chefs d’entreprises. Enfin le travailleur invalide se trouve dans
une situation difficile vis-à-vis des travailleurs valides qui ne 1 ac
cueillent pas sans une certaine appréhension; ils craignent que,
1 La proportion de 80 % de salariés parmi les invalides allemands avait été signalée
au Bureau international du Travail en mars 1922 ct eonllrmée en juillet 1S23 par ^
Dr Meier, conseiller au ministère du travail. Les premiers ^fultats d une enquete eut
prise en juillet 1923 par le ministère du travail allemand sur la demandedu Bureau nter
national du Travail, paraissent indiquer que la proportion des salariés est inférieure »
80 %.