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indirectement; enfin, dans la reconversion ultérieure de ces francs, soit en la
monnaie primitive qui a été utilisée pour leur achat, soit en une autre monnaie.
Laissez-moi ajouter que cette spéculation repose essentiellement sur la confiance
que font au relèvement du franc ceux qui y participent. Ils jouent la hausse,
ils jouent l’amélioration de la valeur réciproque de notre monnaie et de la mon-
naie étrangère qu’ils mettent à notre disposition.
« Permettez-moi de prendre un exemple concret afin de rendre mes expli-
cations plus claires. Vous savez que nous avons envers les Etats-Unis des enga-
gements énormes résultant des achats de matières premières et de marchandises
diverses que nous effectuons dans ce pays. Un jour donné, les créances exigibles
sur France sont surabondantes sur le marché de New-York. Après application
de tous les éléments d’actif que nous pouvons avoir sur l’Amérique, la compen-
sation n’est pas complète: il reste un solde. Ce solde étant exigible tout comme
la partie compensée, il doit être payé d’une façon ou d’une autre.
« Que se passe-t-il alors? Des Américains qui ont confiance dans le relè-
vement de la France, qui espèrent qu’un moment viendra où les affaires s’arran-
geront, où le franc reprendra toute sa valeur, achètent ces créances; ils remet-
tent aux détenteurs les dollars qui leur sont dus; ils font encaisser chez le débi-
teur français la contre-valeur en francs des dollars déboursés et ils laissent mo-
mentanément ces francs en dépôt dans une banque française. « Le jour où l’amé-
lioration que j'ai escomptée se sera produite, pense chacun de ces spéculateurs,
je demanderai le rapatriement de mon solde créditeur à la banque qui l’a en
dépôt; comme le franc sera augmenté de valeur par rapport au dollar, j’ob-
tiendrai avec le même nombre de francs un nombre de dollars plus grand que
celui que j'ai déboursé pour acheter la créance française ; ce sera mon profit ».
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« Voilà, dans ses grandes lignes, le principe de cette spéculation à la hausse
du franc dont nous allons voir maintenant l’action sur le cours du change.
« J'ajoute qu’elle peut se produire de bien d’autres façons. Comme elle est
déterminée par un cours défavorable du change français, si la vente de dollars
contre francs sur le marché de Paris est plus avantageuse que l’achat de francs
contre dollars sur le marché:de New-York, c’est à Paris que l’Américain en
question fera son opération. Il peut arriver aussi que l’opération soit faite à Paris,
ou à New-York par des étrangers, Espagnols, Suisses, Hollandais, etc… qui
sont détenteurs de dollars et qui désirent les convertir en francs, en prévision
de tels événements qui paraissent devoir amener une amélioration du change
français. Enfin, ce que je viens de vous indiquer pour les règlements que nous
avons à faire en Amérique se produit également pour nos règlements avec l’An-
gleterre, l’Espagne, la Hollande, la Suisse, etc… Bref, partout où il nous faut
payer et où la compensation que nous assure notre actif est insuffisante, la spé-
culation intervient pour combler le vide.
« Au fond, le résultat est le même dans tous les cas: la baisse du franc
attire des acheteurs étrangers qui paient naturellement les francs qu’ils achètent
en monnaies étrangères, et c’est avec ces monnaies étrangères que les débiteurs
français paient, à leur tour, ce qu’ils doivent dans les diffèrents pays.
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