LES EMPRUNTS INTÉRIEURS EN RENTES
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couvert près de quarante fois et la presse avait, selon le rite, embouché
la trompette pour célébrer la fécondité de l'épargne française. Mais les
souscriptions n’étaient pas, pour la plus grande partie, des souscrip-
tions de capitalistes voulant faire un placement durable ; c'étaient des
souscriptions de spéculateurs en Bourse qui espéraient revendre avec
bénéfice, ou de banquiers sur qui le ministre des Finances avait fait une
forte pression pour éviter un échec ou un demi-échec de l'opération.
L’emprunt n’était pas, selon l’expression consacrée, classé.
Les versements à faire en libération des souscriptions étaient éche-
lonnés, aux termes de l’arrêté ministériel du 25 juin 1914, sur une
période allant du jour de la souscription au 16 novembre 1914, les
deux plus gros versements étant prévus pour le 16 septembre et le
16 novembre. Le 1°" août, il avait été versé 345.000.000 de francs ; le
Trésor restait donc créancier d’une somme de 460.000.000 de francs.
Un des premiers soucis de M. Ribot, quand il eut pris le ministère
des Finances, fut de déblayer le terrain en éliminant cet emprunt
3,50 pour 100 dont la libération devenait tout à coup, par suite de la
guerre, très difficile, et qui ne lui parut pas pouvoir être le type des
futurs emprunts de guerre. Dans l’exposé des motifs du projet de loi
portant ouverture des crédits provisoires applicables au premier semestre
de 1915, M. Ribot a exposé, dans les termes suivants, les raisons des
mesures prises par lui relativement aux titres de l'emprunt de 1914 :
« … L’emprunt avait été, pour une forte part, souscrit par les éta-
blissements de crédit et par les spéculateurs en Bourse. Ceux-ci, sachant
bien que leurs souscriptions seraient réduites, les avaient majorées dans
la proportion nécessaire pour obtenir le chiffre auquel ils voulaient por-
ter leurs engagements envers le Trésor. Au moment de la déclaration
de guerre, l’emprunt pesait, en grande partie, sur des établissements
de crédit ou sur des acheteurs à terme qui ont éprouvé des difficultés
à se libérer... Il était à craindre que beaucoup de souscripteurs ne
fissent pas d’efforts pour libérer entièrement des titres dont la valeur
était dépréciée par la perspective d’emprunts futurs qui pouvaient être
émis à un taux plus avantageux. Nous avons pensé qu’il était équitable
et en même temps profitable aux intérêts du Trésor d'offrir aux sous-
cripteurs qui libéreraient leurs certificats provisoires suivant les termes
fixés par un arrêté du ministre des Finances, l’avantage de pouvoir,
lors des emprunts à venir, échanger leurs certificats contre des titres
de ces nouveaux emprunts au prix d’émission du 3,50 pour 100, c’est-
à-dire à 91 francs, de sorte qu’ils n’auraient aucune perte à subir. Cela
n’était pas seulement une mesure de bienveillance envers les souscrip-
teurs : c’était aussi une mesure de bonne politique de la part de l’État
qui, ayant en perspective de grands emprunts à faire, a tout intérêt