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La gravité de semblable crise tient au fait qu’elle n’est pas la mani-
festation d’un trouble passager, voire d’une de ces dépressions pério-
diques dont les économistes ont autrefois décrit le cycle. La crise
générale est née des désordres de la guerre. Pour une grande part la
guerre, devenue rapidement mondiale, est due à l’état anarchique
du régime économique. Quant à cet état lui-même, il était et demeure
caractérisé avant tout par l’ampleur qu’a prise subitement au début
du xxe siècle la solidarité économique mondiale.
Ce serait donc une erreur de chercher uniquement le remède, comme
on l’a fait jusqu’ici, dans une restauration, un retour à l’état d'avant
guerre. C’est plus profond qu'il faut descendre et considérer la nécessité
de donner aux apports économiques internationaux une structure
nouvelle. À cet effet, un esprit novateur est nécessaire, un plan général
doit être arrêté, un organe central doit présider à sa réalisation. Un
principe de coopération doit être substitué à l’ancien principe de con-
currence illimitée entre nations, qui n’est autre que l’expression, au
degré mondial, du régime national, dépassé aujourd’hui, de la con-
currence entre individus et gros groupes.
La création, par la Société des Nations, d’un Conseil économique
international répond à ce besoin. Dans les assemblées de ce Conseil
on retrouvera probablement aux prises les diverses nuances de l'opinion
Économique; ceux qui font frein, ceux qui préconisent leur tiède et
prudente modération, ceux au contraire qui estiment indispensables
les mesures radicales. Mais malgré ces divergences de vues, il s’établira
cependant des bases stables pouvant servir à une édification. C’est
dans ie cadre des problèmes dont va avoir à s’occuper le Conseil
économique de la Société des Nations qu’est appelée à évoluer la
question de la monnaie internationale. On peut voir en elle l'alpha et
l'omega des mesures espérées de son intervention : distribution équi-
table des matières premières, statut douanier mondial, l'entente
pour la division du travail et l’approvisionnement de certains marchés,
programme rationnel pour le transport et les communications, pro-
tection des salaires, garantie et assurance des travailleurs, protection
de l’épargne, assurance du capital et garantie contre son propre chô-
mage. Tous ces points, pour être réalisés, et ils doivent l’être, exigent
une base stable, la détermination du zéro monétaire absolu à partir
duquel puissent s’élaborer les calculs sans crainte de perturbation.
Autrement c’est commencer une nouvelle fois l’œuvre de Sisyphe
qui fut celle des gouvernements depuis la guerre.
Les formules : Société des Nations, Accords de Locarno, États-
Unis d’Europe, seront vides de tout contenu positif aussi longtemps
qu'elles n’ajouteront de l’économique à côté du politique, et l’on ne
saurait traiter rationnellement de l’économique qu’après être en pos-
Session d’un instrument de commune mesure et de stable valeur :
la monnaie internationale.
Deux avertissements autorisés nous ont été donnés récemment.