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“ Cependant pour juger la cause de la monnaie, il n’est plus permis
de se placer au seul point de vue financier. La finance est devenue
la clef de voûte du système économique actuel, mais la période est
passée où les arguments dans une telle discussion auraient dû se borner
exclusivement à la considération des valeurs matérielles. L'économie
financière est une partie de l’économie politique, partie elle-même
de l’économie sociale et de l’économie humaine tout court. C’est
pourquoi l’homme d’État ne saurait plus devenir insensible aux
ravages de toute nature que produisent les perturbations monétaires.
19 Maux sociaux : La diminution de la natalité. Des statisticiens
ont mis les faits en évidence pour l'Allemagne : de 25 %o en 1920
et 1921, elle tombe à 20 °/o0 en 1923 et 1924. Même phénomène ailleurs
où c’est au contraire le change élevé qui produit ses troubles. Dans
les villes suisses (de 16.4 en 1920 à I4.I en 1923); dans les villes sué-
doises (de21.2 en 1920 à 16.1 en 1923) ; en Angleterre, de 23.8 %o (1920)
à 19.4 (1924). À chaque crise financière l’idée de la restriction volontaire
gagne des adeptes (1). En Allemagne, on a compté pendant les années
terribles 100,000 avortements par an.
29 Maux moraux : Les Projets d'avenir n’allant pas plus loin que
le lendemain. Le luxe insolite et provocant de la part des immondes
profiteurs et les germes de décomposition qu’ils sèment dans les
masses. On parlait en Allemagne de la psychose de l'inflation, de
l’hystérie des changes, de l'angoisse mortelle devant le coût de la vie.
3° Maux intellectuels : L'éducation rendue difficile, impossible
même, faute d'argent; les enfants sous-alimentés, refusés dans les
écoles comme étant trop faibles; les instituts scientifiques entravés
dans leur productioit par défaut de moyens,
4° Maux politiques : a) Maux de caractère international. Les rap-
ports entre peuples s’aigrissent. « Nos créanciers qui doivent recevoir
aux États-Unis 18 milliards et demi de francs-or en soixante-deux
annuités, disent les Français, exigent le paiement au cours d’un change
déprécié par eux-mêmes, non seulement du fait de notre situation
financière et de notre balance commerciale, mais aussi et surtout par
le manque de confiance vis-à-vis de leur ancien allié. » Les débiteurs
du continent se révoltent à l’idée que le fait monétaire soit assez
puissant pour les tenir en une espèce de vassalité, eux qui ont
échappé à l’étreinte allemande. Et ils proclament véhémentement
qu'ils ne sont pas disposés à subir cette servitude;
5) Maux de caractère national : Les gouvernés prennent en méfiance
un État qui les protège si mal dans leurs biens, après avoir déjà manqué
à son devoir de protection de leur personne pendant la guerre. La dette
française totale qui était de 34 milliards en juillet 1914 était montée
à près de 400 milliards en 1925 (2).
(I) G. SCHOK, Journal de la Soctété des statistiques de Paris, 1926, p. 184.
(2) Journal de la Société des statistiques de Paris, 1926, P. 174.