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Les gouvernés s’en prennent d’abord aux Gouvernements; mais 
quand les faits leur ont montré quelle faible action peut avoir un 
Gouvernement national contre des faits de cette nature, ils se retour- 
nent contre l’État lui-même, sa constitution, sa forme. Ce sont les 
doctrines de l’Anarchie et du Communisme qui gagnent dans les 
esprits. Pour se défendre, l’État est impuissant, car son rôle utile et 
bienfaisant ne peut plus guère s’exercer. On se sent entraîné à la ban- 
queroute, à la refonte de l’État, à la répudiation des dettes, à un 
nouveau régime. (C’est le cas de la Russie.) Ainsi le budget français 
en 1926 atteindra près de 47 milliards, soit 1,185 francs par tête 
d’'habitant. Or, la charge annuelle du passif est de 44.7 % de l’en- 
semble des recettes budgétaires (État, départements et communes). 
Dans ces recettes les impôts s’élevant à 41 milliards, c’est 24.8 %,, soit 
le quart de l’ensemble des revenus privés français (évalué à 170 mil- 
liards) (x). 
Le tableau de l'inflation allemande est trop vif dans nos souvenirs 
pour qu'il soit nécessaire de le reproduire. Il est utile cependant 
d'en rappeler les chiffres essentiels. La circulation des billets au 
31 décembre de chacune des sept années qui vont de 1919 à 1925 est 
celle-ci (en milliards de marks) : 49, 80, 122, 139, 179, 483, 1,293. Il fallut 
900 jours pour que le dollar passât de ro à 100 marks; 108 jours pour 
passer de roo à 1000; r0I jours, de 1,000 à 10,000: 176 jours de 10,060 
à 100,000; l’été de 1923 seulement pour passer à la valeur de 1 trillion 
247 milliards de marks. Figuré avec d’autres sur le diagramme des 
changes à l’échelle arithmétique, ce chiffre vraiment astronomique 
exigerait un trait long de près du cinquième de la distance de la 
Terre au Soleil. Au moment de leur ascension la plus rapide, c’est- 
à-dire à la veille de la stabilisation et de la chute, le dollar montait 
avec une vitesse de 21 couronnes par jour à Vienne, 68 marks polonais 
par minute à Varsovie, 18,000 roubles par seconde à Pétrograde, 
3 millions de marks-papier par seconde à Berlin. Les 22 milliards 
que représentait la valeur d’origine de tous les chemins de fer 
Prussiens étaient réduits au prix d’un voyage en seconde classe de 
Cologne à Berlin. Le professeur Eulenburg estime à la somme de 
I50 milliards de marks-or la totalité du capital mobilier englouti 
Par la tourmente. Cette destruction a eu pour suite d’annihiler le long 
travail des entrepreneurs moyens et petits, des professions libérales, 
des employés, cultivateurs et ouvriers. Dépôts, primes d’assurance, 
obligations industrielles, fonds d’État, etc, tout a été anéanti dans 
le gouffre impitoyable. Et dans l’intervalle ce fut l’effroyable état 
des esprits pour qui la monnaie valait plus aujourd’hui que demain, 
où la dépense devenait une nécessité, où toute économie était une 
(x) E. Mrcuxr, Journal de la Société des statistiques de Paris, 1926, 
D. 170.