212 ECONOMIC ESSAYS IN HONOR OF JOHN BATES CLARK
Néanmoins, cette humble boutique a la prétention de
représenter une Economie Nouvelle, différant du régime écono-
mique actuel en ceci que la direction du monde économique y
passe des mains des producteurs au mains des consommateurs, et
par ce changement d'orientation, disons méme ce changement de
pole, le moteur se trouve aussi changé; ce n’est plus la recherche
du profit mais la satisfaction des besoins. Si la coopération de
consommation commence par ’épicerie, elle compte bien arriver
A la grande industrie; et alors tous ces rois de 'acier, du pétrole,
du coton, du blé, du cuivre, du beeuf, seront ramenés a leur
véritable role économique qui est d’étre les serviteurs du public,
d’étre, comme on dit, “4 ses ordres.”
Naturellement la réalisation d'un tel programme, disons d'une
telle révolution pacifique, ne peut étre envisagée que comme le
terme dernier et lointain d'une évolution dans laquelle les
diverses nations marchent & pas trés inégaux. Et méme en
réservant la partie révolutionnaire, beaucoup diront chimérique,
d’un tel programme et & s'en tenir aux réalisations immédiates,
déja la coopération de consommation ne laisse pas que d’étre une
entreprise difficile. Combien nombreuses celles qui ont avorte,
plus nombreuses que celles existantes!
Voici en effet quels sont les nombreux obstacles que la
coopération de consommation trouve sur sa route!
1°. Par définition méme la coopération de consommation est
une association de non professionnels, de personnes incompétentes.
Le consommateur est un personnage passif qui ne sait rien. II
n’est pas facile, avec un ouvrier, un employé, un professeur, de
faire un marchand, ne flit-ce qu'un épicier et moins encore un
fabricant. Cette difficulté n’existe pas pour les autres formes de
la coopération. L’association de production, industrielle, agricole.
ast faite entre gens compétents.
On ne peut suppléer a cette incompétence que par une certaine
culture générale. II faut des gens qui sachent non seulement lire,
crite et compter; mais qui alent quelques notions de comp-
tabilité, des régles du commerce, qui sachent ce que c’est qu'un
cheque ou une lettre de change. Ne suffit-il pas, dira-t-on, que les
administrateurs le sachent? Mais méme pour les simples
sociétaires, si ceux-ci ne peuvent suivre la marche de la société,
écouter les rapports, les critiquer dans les assemblées, lire les
sournaux et les almanachs, la société ne vivra que misérablement.