PRÉFACE
NZ
faites nos colonies, nous apprenons, en même temps,
comment s’est faite la France. Car, le procédé est le
même, le tour de main est le même. Seulement ceux
qui les connaissent ont trop rarement pris la peiné de
s’en expliquer.
Au début de l’entreprise, il y a un homme. Un
homme seul, inconnu et même, d'ordinaire, assez mal
coté, parce qu'il a une idée fixe, ses projets à lui et qui
dérangent ceux des autres.
Par exemple, un capitaine de boutrier échoue sur
la côte des Somalis et adresse, au Quai d'Orsay, un
appel au secours. « — Quel ennui! Qu'il aille se faire
pendre! Car, de toutes façons, c’est le sort qui
l'attend. » À la réflexion, le ministre — il s’appelle
alors Gambetta — comprend que le devoir est d'agir.
Ce malheureux, n'est-ce pas un Français? Civis roma-
nus sum. Les ordres sont donnés : et voilà les origines
de l'établissement d’Obock, d'où naîtra notre précieuse
colonie de Djibouti.
Quelques années se passent : Jules Ferry est minis-
tre: un homme demande à être reçu, un homme un
peu lourd, un peu fruste, assez mal ficelé, portant
lunettes, moitié subrécargue, moîtié aventurier. Il
s’appelle Dupuis; il arrive du Tonkin. Le Tonkin!
C'est si loin!… Il est introduit : Jules Ferry l'écoute,
comme il sait écouter, les ongles aux dents; à le
fait revenir, étudie, consulte; et voilà que s'allume
« l'affaire du Tonkin »; d’où, un jour, l’Indochine
française.
J'ai vu, de même, Savorgnan de Brazza, arrivant de
son premier voyage au Gabon, l'enthousiasme plein
les yeux, décrivant, en son langage bigarré, mi-