PRÉFACE
XIII
Pris aux entrailles par un devoir qui le saisit et
l'élève au-dessus des devoirs courants, il secoue la
routine, la paresse, l’indolence, comprime son cœur,
remue les masses, dédaigne la critique, brave l’impo-
pularité, parfois tombe épuisé sur une tâche inachevée.
Mais, à a vu, en lui, par sa faculté maîtresse, l'ima-
gination, cette même tâche réalisée. Grand homme
national, il a vécu, d’avance, dans la future grandeur
de la nation.
Je veux essayer de faire comprendre, par un
exemple, emprunté au livre de M. Duchéêne, et par
opposition à l’homme des grands desseins, ce qu’est le
politicien terre à terre qui se tapù dans la peur de tout,
et se sent arrêté, à chaque pas, par le tremblement de
la décision. « Depuis 1830, écrit M. Duchêne, la direc-
tion des colonies, aux mains de M. Filleau Saint-
Hilaire, veut agir ; elle entraîne les ministres de la Marine
et, souvent, les ministres du Commerce. Mais Guizot
est là qui veille, retranché dans les opinions que révèle-
ront plus tard ses Mémoires. La marine, d’après lui,
peut s’assurer des points d'appui à travers l’Océan;
mais il serait dangereux de faire davantage. Pour ral-
lier Louis-Philippe à ses idées, Guizot tient toujours en
réserve quelques considérations de politique générale.
Tantôt, s’il s’agit du Pacifique et de Madagascar et,
— aveuglement extraordinaire sur lequel je m'’expli-
querai un jour, s’il s’agit de l’Egypte, — il y a des
ménagements à garder envers l'Angleterre; et, quand
on pourrait s’installer dans les parages des Philip-
pines, ce sont ces fameux « mariages espagnols que
l'on compromettraüt », ete. ete.
Ah! ils se sont bien compromis tout seuls les « fa-