SOUS LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE 151
des planteurs qui subitement s’étaient fortifiées. Le traité
du 30 mai 1814 rendait à la France toutes les possessions
qu’elle avait au 1” janvier 1792 !, et les familles de colons
étaient d’autant mieux fondées encore, la liberté des mers
étant rétablie, à voir dans ces circonstances le commen-
cement d’un retour de fortune, depuis si longtemps
attendu. Malouet, à peine au pouvoir, avait remplacé les
chefs de division par des directeurs, et désigné pour cen-
traliser les services des Colonies, Baillardel de Lareinty,
dont la famille était l’une des plus connues de la Marti-
nique, et qui se trouvait lui-même, comme par hasard,
allié aux Dubuc. Il semblait que les colons allaient se
trouver comme chez eux au ministère, et c’était à tel
point la conviction de tous, qu’une extension générale
des services parut s'imposer tout d’abord. La direction des
Colonies, qui devait préparer les reprises de possession
nécessaires, voulut être au large et demanda qu’on lui
assurät, dans les locaux du ministère, une place digne de
sa nouvelle importance.
Cette fois encore, un coup de théâtre allait tout arrêter.
Avec le prodigieux retour de l’île d’Elbe, le duc Decrès
reprenait auprès de l'Empereur le ministère de la Marine
et des Colonies, tandis que de Lareinty jugeait utile une
retraite au moins momentanée. Durant la période des Cent-
Jours, il y eut une sorte de réaction contre les espérances
coloniales. Avant de songer aux possessions lointaines de
la France, il fallait assurer la sécurité de ses frontières en
Europe, contre des envahisseurs si souvent vaincus depuis
vingt-trois ans, et plus menaçants que jamais. La direction,
redevenue la division, des Colonies, devait, en attendant, étre
modeste et se confiner dans l’emplacement restreint qu’elle
occupait avant le retour des Bourbons. Telle fut la volonté
impérieuse de Decrès, dont la décision, le 7 avril 1815, en
déplorant les douloureuses amputations de l’Empire, sem-
blait défier toute réplique : « Il est clair », écrivait le duc
1. La restitution n’était pas complète ; elle aurait lieu « à l’exception des
les de Tabago et de Sainte-Lucie et de l’île de France et de ses dépen-
dances, nommément Rodrigue et les Seychelles ».