158 LE RÉVEIL DE LA TRADITION
Autre complication. Les idées abolitionnistes ont, depuis
la Révolution, gagné du terrain, hors de France et en
France. Un article additionnel au traité du 30 juin 1814 a
prévu que la traite des noirs serait supprimée dans un
délai de cinq ans. Il y a dans ce sens un courant telle-
ment fort que Napoléon, après avoir été favorable au réta-
blissement de l’esclavage sous le Consulat, a, pendant les
Cent-Jours, décrété, le 29 mars 1815, que la traite des
noirs était « abolie »: Bon gré, mal gré, il faudra recourir,
pour les plantations coloniales, à un régime de travail tout
différent. Enfin le sucre de canne, la principale richesse
de nos possessions, va rencontrer une concurrence, bien
faible encore, du reste, mais qu’il ne connaissait pas avant
1789, celle du sucre de betterave, dont l’un des princi-
paux effets du blocus continental, sous l’Empire, a été de
révéler les possibilités de production.
La tâche est lourde, qui attend Portal et ses collabora-
teurs. La Charte de 1814 peut, dans une certaine mesure,
la faciliter, en prévoyant que l’organisation des colonies
sera laissée à des lois particulières et à des règlements,
principe qu’avaient également consacré les constitutions
du Consulat et de l’Empire. Mais, si le cadre législatif
apparaît comme assez souple, l’œuvre qu’il faut accomplir
n’en sera-t-elle pas moins contrariée par les hommes, par
les intérêts, par les opinions? Question troublante, et que
Portal ne peut manquer de se poser.
Les hommes d’abord. Portal a certainement la confiance
du roi Louis XVIII, qui le nomme conseiller d’État, le
jour même où il l’appelle à la direction des Colonies. C’est
également Louis XVIII qui demande personnellement à
Portal!, après avoir présidé le collège électoral de Mon-
tauban, de poser sa candidature à la Chambre des députés,
où il ne tardera pas à entrer et siégera au centre droit.
1. Mémoires du baron Portal, op. cit, p. 22 et suivantes.