Full text: Les origines historiques des problèmes économiques actuels

8 LES ORIGINES HISTORIQUES DES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES 
L’historien qui se place au milieu du xvu° siècle, au temps 
de Colbert par exemple, a le sentiment d’un mouvement éco- 
nomique très ralenti, très différent de celui dont le rythme 
nous entraihe aujourd’hui à toute vitesse. On dira que c’est 
une époque statique, non dynamique. Mais reculez de cent et 
quelques années en arrière. Placez-vous entre les débuts de 
la conquista espagnole et cette année 1545 qui voit se produire, 
dans l’ordre matériel, l’ouverture des mines du Potosi, ren- 
dues plus fécondes grâce à la découverte technique de l’amal- 
gamation de l'argent ; dans le domaine de l’esprit, la fa- 
meuse lettre de Jean Calvin sur la légitimité du prêt à inté- 
rêt : vous êtes plongés dans un monde qui diffère du temps 
louisquatorzien et qui ressemble singulièrement au nôtre. 
Luttes pour l’ouverture et la conquête des marchés, mono- 
poles gigantesques, sociétés financières qui se groupent en 
organismes analogues à nos cartels et à nos trusts, marchés 
à terme et arbitrage, c’est toute une technique déjà fort avan- 
cée, correspondant à un véritable essor du capitalisme. C’est 
surtout en matière économique que l’on peut et doit parler 
de la modernité du xvi° siècle. 
Cette vérité a été aperçue et proclamée par Karl Marx dans 
plusieurs passages fameux du Capital, notamment dans ce- 
lui-ci : « Le commerce mondial et le marché mondial inau- 
gurent au xvi° siècle la biographie moderne du capital. » Il 
corrige et assouplit ailleurs cette formule trop rigide en disant 
que, des siècles auparavant, le capital apparaît à l’état spora- 
dique dans les villes marchandes de la Méditerranée. Conces- 
sion insulfisante encore, puisque M. Henri Pirenne a montré, 
dans d’étincelantes études, que les démocraties des Pays-Bas ne 
le cédaient pas, sur ce point, aux républiques italiennes. Mais 
ce qui reste de la formule marxiste, c’est que le xvi° siècle, 
en sa première moitié, nous fait assister à une révolution éco- 
nomique d’une ampleur et d’une rapidité sans précédent. 
Avec elle s’ouvre le marché mondial. C’est une mauvaise 
querelle que de reprocher à Marx, comme un anachronisme, 
l’usage de cette expression, sous prétexte que les marchands 
d’alors n’avaient à leur disposition ni la vapeur ni le télé- 
graphe. Mais dès ce temps il suffit d’une mauvaise récolte 
dans les lointaines Moluques ou d’un typhon sur les routes 
de l’Océan Indien pour ébranler des fortunes à Augsbourg.
	        
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