12 LES ORIGINES HISTORIQUES DES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES
ont changé depuis. Je n’ai pas besoin de citer ici les chiffres
qui mesurent la part croissante prélevée sur la récolte améri-
caine par les fabriques américaines de cotonnades, non pas
seulement du Nord, mais maintenant aussi du Sud, et la
décroissance de la marge laissée disponible pour l’exporta-
tion. À l’heure actuelle, les cotton corners de Galveston et de
Houston sont en mesure de décréter le blocus de Manchester,
si Manchester ne s’ingénie pour faire pousser la précieuse
fibre sur des territoires où flotte l’Union Jack.
Ce qui est vrai du coton l’est plus ou moins de toutes les
matières qui sont inégalement réparties dans le monde et qui,
par suite, constituent pour leurs détenteurs une sorte de mo-
nopole géographique. Nous avons pu craindre une guerre
pour le pétrole et, si elle n’a pas abouti à des hostilités san-
glantes entre les deux principaux rivaux, la lutte se poursuit,
sous d’autres formes, sur toute la face de la terre. Sous des
formes non sanglantes? Hélas ! en sommes-nous bien sûrs?
Si aucune goutte de sang anglais ou américain n’est répandue
pour cette querelle, pouvons-nous affirmer que, dans telle ou
telle guerre civile qui désole un des Etats ibéro-américains,
dans telle soi-disant « révolution », les partis ne sont pas, en
réalité, les mercenaires, les condottières de la Standard ou de
la Shell? De même en Irak, en Perse ou ailleurs.
Inutile de multiplier les exemples, d’évoquer le caoutchouc,
le café, l’un et l’autre objets de choix pour les plans de valo-
risation, ou le fer qui, après avoir été l’un des buts de
guerre de l’Allemagne, semble devenir l’un des instruments
de la réconciliation franco-allemande, non sans inquiéter par
ailleurs l’autre grand détenteur de fer dans le monde, les
Etats-Unis, et non sans troubler la quiétude des métallur-
gistes d’Angleterre et d’Ecosse.… Parlerons-nous de la potasse,
autre matière d’entente franco-allemande, autre objet des dé-
flances américaines?
On sait combien cette question des matières premières et du
danger qu’elle présente pour la paix du monde a préoccupé
la Société des Nations. Déjà posée par la France au cours des
négociations de paix, évoquée dans l’intervention retentissante
de M. Tittoni à Bruxelles en 1920, exposée avec un scrupuleux
souci du détail par M. Gini à Genève en 1921, elle n’a guère