RÉFLEXIONS SUR L'HISTOIRE DES BANQUES ‘79
intérêt et le change tous les préjugés des théologiens pré-cal-
viniens, admet cependant la légitimité de certaines opérations
indispensables au commerce, surtout au commerce interna-
tional :
La deuxiesme raison pourquoy lesdictz changes royaulx {foppo-
sés aux changes secs, qui lui font horreur] ont esté inventez a esté
pour le faict du cours et train de la marchandise, à ce que les
marchans allans ès pays estranges et loinglains de leurs maisons
pour achepter quelzques espèces de denrées et marchandises où
Îlz puissent proufficter, et saichans ne pouvoir recouvrer icelles
marchandises sans avoir, ès lieux où ilz les vont querir, leur ar-
gent pour !cs achepter ou recouvrer, affin d’obvier aux dangers
et inconveniens qui leur peuvent survenir, sur les champs ou sur
la mer, de leursdictz deniers, les ayans portez contans, îÎlz les bail-
loient à change en leurs pays s’ilz avoient moyen de le faire, si-
non aux plus prochains lieux où ils scavoient que la coustume
estoit du feiet desdictz changes, et prenoient lettres affin que leur
frest payé les sommes qu’ilz avoient baillées ausdictz changes ès
pays où ilz voulloient aller achepter leursdictes marchandises.
On n’a pas assez remarqué à quel point cet. usage de la
lettre de change, ce recours aux banquiers est alors universel.
Mathias Schiner demande que la pension qui lui est servie par
le roi d'Angleterre lui parvienne, pour plus de sûreté, par le
canal des Fugger ('). Marguerite d’Autriche, en 1519, n'’ac-
ceptait, pour être remboursée de Charles III de Savoie, « que
la garantie des grosses banques qu’elle connaissait à Anvers »,
Fugger, Welser, Hächstetter ; elle désigne ses banquiers en
1523, en 1524, en 1527 (?). Détail piquant, Ignace de Loyola (°),
lorsqu'il arrive à Paris, a uhe lettre de change sur Barcelone
pour 25 écus. C’est en lellres sur Paris qu'il reçoit des au-
mônes de marchands espagnols des Pays-Bas, ou d’Angle-
terre ; il remet ces lettres à un banquier et, quand il veut aider
un pauvre étudiant, il tire sur ce banquier ce que nous appel-
lerions un chèque. En 1595, un marchand allemand de
Londres, sollicité par un envoyé du duc de Wurtemberg,
exprime son étonnement de ce que ce voyageur ne soit pas
porteur d’une letire sur Londres ‘#).
(*) K. Bücm, Akten und Korrespondenz des K. M. Schiner.
(2) M. BrucreT, ouv, cité, p. 101. La Correspondance de Marguerite de
Parme et de Philippe I nous montre, en 1565, le gouvernement des
Pays-Bas obligé de recourir constamment aux banques.
(3) Paur Van DrykE, Ignatius Loyola. New-York et Londres, 1926, p. 78.
(#) Von Kranwir., Queen Flizabeth and some foreigners. Londres, 1928,
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