LE RÉGIME FÉODAL DES CLASSES GOUVERNANTES 151
se fédèrent, s’associent, agissent en souveraines. Dans les
provinces basques d’Alava, de Guipuzcoa, de Vizcaye, et
même en Castille, des territoires entiers (les behetrias), sont
peuplés d'hommes libres, propriétaires de leurs biens, qui
se sont décidés à se donner des protecteurs, mais qui ont
te droit de choisir leur seigneur dans la même famille ou
dans toutes celles sur lesquelles il leur convient de faire
porter leur choix, et qui en changent quand il leur plaît.
Même dans le reste de l’Espagne du Nord, se rencontrent
des groupes de libres propriétaires (homines proprit).
Mais en général ils ont dû se résigner à accepter le patro-
nage (patrocinio) seigneurial, à consentir à la prestation
d'hommage et à l’acquittement de certains services, tout
en se réservant la faculté de changer de patron. La plupart
de ces propriétaires, comme en France, sont entrés dans la
catégorie des vassaux. En Italie les propriétaires libres ont
parfois aussi survécu, notamment en Lombardie et en
T:scane, où on les nomme ahrimanns, et dans les Deux-
Siciles, où les Normands les appelaient alleutiers, à la
mode de France. La république de Saint-Marin est proba-
blement un de ces anciens alleux. Toutefois, dans ces divers
pays et même en Allemagne, la propriété féodale l’em portæ
en importance sur la petite ou la moyenne propriété
libre. Souvent même celle-ci pour survivre-dut se féoda-
liser à demi, en acceptant le patronage.
Dans l’autre partie de l'Occident où la féodalité s’orga-
nisa plus fortement et où la lutte était plus malaisée pour
les petits propriétaires, le conflit tourna généralement à
leur désavantage. En France, l’alleu se maintient à
l’état sporadique en Normandie, où le légendaire royaume
d'Yvetot en est une survivance et où la tenure en bourgage
paraît avoir été une ferme de propriété libre, ainsi que celle
des vavasseurs. Il en est de même en Nivernais, en Bretagne,
en Auvergne, surtout en Aquitaine, en Guienne, Gascogne,
Béarn, Bigorre, Dauphiné et Languedoc, où les alleutiers for-
ment parfois des syndicats de défense. Aux Pays-Bas, la Zê-