LA CONCENTRATION DE LA PRODUCTION 14
nationalisées ou municipalisées, une autre question se pose :
celle de savoir si l’État ou les municipalités devront les
exploiter sous la forme d’un monopole ou en se plaçant sous
le régime de la libre concurrence ?
La réponse à donner dépend évidemment du but qu’on se
propose. Si ce but est uniquement fiscal, c’est-à-dire
augmenter les recettes de l’État ou de la ville pour suppléer
aux impôts, alors on devra avoir recours au monopole
parce que ce régime est le seul qui puisse permettre une
majoration des prix sans autre limite que celle imposée par
la capacité d’achat des consommateurs. C’est ainsi qu’en
France l’État vendait le tabac à un prix représentant cinq
fois le prix de revient ! (1).
Mais si la préoccupation fiscale se trouve écartée ou relé-
guée au second plan et si le but essentiel est le service
public, ce qui est généralement le cas pour les entreprises
municipales, alors c’est la nature de l’entreprise qui doit
décider.
Pour le service des eaux, des tramways, du gaz, il
serait anti-économique et souvent matériellement impossible
de juxtaposer dans les mêmes rues plusieurs lignes de trams
ou plusieurs conduites d’eau ou de gaz concurrentes — alors
c’est le régime du monopole qui s’impose. Toutefois ce
monopole peut être limité à un quartier ou secteur déter-
miné, et par conséquent n’exclut pas l’existence d’entreprises
parallèles et, jusqu’à un certain point, concurrentes.
Mais si l'entreprise est de celles qui ont vécu jusqu’à pré:
sent sous le régime de la concurrence, par exemple la bou-
langerie, boucherie, il est mieux que l’entreprise municipale
se place sous ce même régime. En ce cas, il est vrai, elle n’a
à attendre d’autres bénéfices que les profits normaux, et à la
condition (laquelle ne sera pas souvent réalisée !) d’exploiter
aussi économiquement que ses concurrents — mais elle
pourra rendre aux consommateurs le très grand service de
(1) Depuis la guerre le bénéfice est tombé de 80 p. 100 à 50 p- 100, quoique
le rendement ait triplé et s’élève à près de 4 1/2 milliard.
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