Full text: Principes d'économie politique

L'ÉCHANGE 
antipathique à la nature humaine. L’homme primitif consi- 
dérait les produits de son travail corporel comme inhérents 
à sa personne. De là les formalités étrangement solennelles 
dont l’aliénation est entourée à ses origines (par exemple la 
mancipatio du droit romain). Chose curieuse ! le don paraît 
avoir été pratiqué avant l’échange et on croit même que c'est 
lui qui a donné naissance à l’échange sous la fiction d’un don 
réciproque. 
A première vue on pourrait croire que l'échange a dû pré- 
céder la division du travail, puisque chaque individu n’a pu 
historiquement se spécialiser dans une seule tâche qu’autant 
qu’il savait pouvoir obtenir des autres hommes de quoi satis- 
faire à ses autres besoins : c’est bien ce que disait Adam 
Smith. Pourtant la vérité paraît plutôt en sens inverse. C’est 
la division du travail qui a précédé l’échange, car elle peut 
très bien fonctionner, même sans échange, dans l’état de com- 
munauté de la famille ou de la tribu — tandis qu’il n’est guère 
facile de concevoir l’échange fonctionnant sans division du 
travail, c’est-à-dire sans une certaine spécialisation de la 
production. 
Dans la première phase d’organisation industrielle, celle de 
la famille, il est évident qu’il ne peut y avoir lieu à aucun 
échange à l’intérieur, chaque groupe formant un organisme 
autonome qui se suflit à lui-même. C’est par le travail de ses 
membres et de ses esclaves, plus tard par les corvées de ses 
serfs, que la famille, la tribu, le manoir, ou le couvent, pour- 
voit à ses besoins. L'échange intervient seulement pour cer- 
tains produits exotiques que des marchands étrangers 
apportent du dehors. 
Dans la seconde phase, celle de l’industrie corporative, 
l’échange apparaît en même temps que la séparation des 
métiers : le marché devient la place centrale de la cité (1). 
(1) 1 faut entendre par marché, au sens économique de ce mot, non pas 
seulement une même place ou un même local, mais toute sphère dans laquelle 
le déplacement des marchandises et les communications des vendeurs et ache- 
teurs sont assez rapides pour qu'un même prix s'établisse. L'étendue du 
marché varie done suivant la nature de la marchandise : la France constitue 
presque un seul marché pour le blé : le monde, un seul marché pour l'or. 
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