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exceptés >». La pratique ne tarda pas à se généraliser et à
passer en France, et ainsi le droit commun en matière de
transport dont nous venons d’exposer le principe commença
à subir de graves atteintes.
L’armateur essaya de s’exonérer de la responsabilité légale
qu'il encourait, par deux moyens : d’abord en précisant qu’il
ne répondrait pas des fautes de ses préposés, capitaine et
équipage : c’est la négligence-clause ; ensuite qu’au cas où le
dommage ne résulterait pas de la faute de ses préposés et où
sa responsabilité pourrait être mise en jeu il entendait s’en
(légager de façon formelle par une série de clauses portant sur
la quantité, la qualité, Pétat, les marques des marchandises
embarquées, fes causes diverses d’avarics, et ainsi on vit
s'ajouter à la négligence-clause, les clauses « que dit être »
« poids et quantités inconnus », clauses relatives à certaines
avaries ou à certaines causes d’avaries, Enfin, au cas où sa
responsabilité viendrait néanmoins à être retenue, il fixe par
avance le taux des dommages et intérêts qui pourront lui être
demandés. Ainsi à l’abri d’une triple enceinte : négligence-
clause, clause d’exonération de responsabilité personnelle,
clause limitative de responsabilité, le transporteur par mer
faisait par trois fois échec au droit commun, à l’article 1384
qui établit de façon péremptoire et irréfragable le principe de
la responsabilité du commettant par rapport à ses préposés;
à l’article 1382 qui pose en termes généraux le principe de la
responsabilité personnelle, et à l'article 216 du Code de Com-
merce qui n’autorise l’armateur à s’exonérer des conséquences
des fautes de ses préposés qu’en faisant l’abandon du navire
et du fret.
Devant cette manifestation d'indépendance à l’égard des
règles générales du Droit, la Doctrine représentée par Desjar-
dins, Pardessus, Aubry et Rau protesta contre les clauses
d’exonération de responsabilité, et en proclama la nullité
absolue. Ces jurisconsultes partaient de cette idée que la res-
ponsabilité est nécessaire à la vie sociale, qu’elle est le stimu-
lant des énergies, tient en éveil l’esprit de prévoyance en
rappelant à chacun que les conséquences de son acte ne
peuvent lui être indifférentes et qu’il s’en doit préoccuper. Tls
ae pouvaient done admettre que l’on put s’exonérer des consé-
quences dè ses fautes par des formules habilement choisies
et largement incompréhensives. C’était aussi l’avis des juris-
consultes de l’Ancien Droit : Pothier, Valin et Emerigon. Ils
voulaient ainsi éviter qu’une pareille clause devenant de style,
3. VALIDITE DES CLAUSES D’EXONERATION DANS LES CONNAISSEMIENTS