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POSITION ACTUELLE DE LA QUESTION D’ORIENT. 395
trique, pourrait-on dire, de tout l’effort économique de
l’Allemagne contemporaine.
Et elle y a été amenée par les échecs qu’elle a subis
ailleurs. Au commencement de son règne, Guillaume II
rêvait d’installer le commerce allemand sur le marché chi
nois que l’on pouvait croire disponible; il avait pensé jeter
un pont sur le Pacifique*, par Kiao-Tcheou, les Marian
nes, les Carolines, les Samoa, la Nouvelle-Guinée. Les vic
toires du Japon ont écarté de l’Extrême-Orient les ambi
tions européennes, et la Chine nouvelle ne paraît pas facile
à démembrer. Puis l’Empereur d’Allemagne jeta son dévolu
sur le Maroc, un bon marché de 8 à 10 millions de bons,
clients, avec des ressources minières sans doute importan
tes : il a fallu renoncer au Maroc. L’Allemagne se porta
vers le Sud-Est avec d’autant plus d’âpreté, avec la fièvre
inquiète d’un grand commerçant qui n’a pas une clientèle
proportionnée à sa production. 11 lui faut à tout prix des
débouchés, sous peine d’une crise économique et sociale
dont on ne peut mesurer la gravité.
Elle rencontre sur le Danube inférieur les Slaves de
toutes nationalités, comme elle les rencontrait dans les
siècles passés sur l’Elbe ou sur l’Oder ; le champ de bataille
est déplacé, mais la bataille est la même. Il y a une for
midable muraille slave à abattre pour gagner les pays du
Levant. Il y a la Russie et ses 160 millions d’habitants.
Jadis, lors de la première guerre des Balkans, la Russie
faillit atteindre Constantinople et la Méditerranée, et ainsi
barrer la route à l’expansion germanique. Bismarck très
habilement l’écarta parle traité de Berlin, et, les nouveaux
États des Balkans étant jeunes et petits, l’influence germa
nique put les pénétrer et au delà fonder sur l’alliance turque
une combinaison viable. Mais les Slaves balkaniques d’au
jourd’hui sont sortis de l’enfance, affirment et soutiennent
très fortement leurs prétentions à l’indépendance, arrivent
à la maturité, échappent à la tutelle de l’Allemagne, lui
sont même déjà une concurrence. Ainsi se dessine, de la
mer Noire à la mer Adriatique, une barrière slave très résis
tante. L’Autriche a soutenu jusqu’ici vigoureusement l’effort
de l’expansion germanique ; mais elle-même elle est slave
à moitié, et si elle venait à donner, de gré ou de force, à
1. Voir notre Question Extrême-Orient, les Conclusions.