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LA QUESTION D’ORIENT AU XVIII* SIÈCLE.
fraya des menaces de guerre de la Prusse, de P Autriche^
de l’Angleterre même, qui commençait à comprendre le
danger des projets russes sur la Méditerranée. Elle consentit
à signer la paix de Yassy (9 janvier 1792). Elle garda
Otchakof et le pays compris entre le Boug et le Dniester. Ce
fut encore la Pologne qui paya pour la Turquie : la Prusse
et la Russie la démembrèrent une seconde fois en 1793;
l’Autriche prit part avec elles au dernier partage et à la
destruction totale de la République polonaise, par le traité
de Saint-Pétersbourg, le 3 janvier 1795.
La réconciliation fut de nouveau complète entre l’Au
triche et la Russie. L’alliance fondée en 1726, renouvelée
en 1756 contre la Prusse, en 1772 contre la Pologne, en
1781 contre la Turquie, se resserra pour quelques années
encore. Elle devait être à l’avenir plus fragile, par le con
tact plus sensible des deux empires plus proches. C’est que,
dans le temps même où l’Autriche prenait définitivement
conscience de ses intérêts sur le Danube inférieur, la
Russie y portait non moins nécessairement ses vues, et de
venait maîtresse des côtes septentrionales de la mer Noire;
l’alliance était suspecte : elle n’était déjà plus pour l’Au
triche qu’un moyen de surveiller et de contenir la Russie.
III. — En Asie. — Progrès des Anglais.
Les succès des Russes sur la mer Noire ne les empêchaient
pas de préparer l’avenir de leur empire asiatique. Ils avaient
pris possession de la Sibérie au xvii® siècle. En 1604, ils
avaient occupé Tomsk, en 1628 Krasnoiarsk, en 1642
Iakoutsk; en 1645, ils avaient atteint Okhotsk; en 1648,
ils avaient fondé Nertchinsk sur la Chilka, l’un des bras du
fleuve Amour; en 1696, ils étaient au Kamtchatka et en
achevaient la conquête en 1711. Déjà même ils poussaient
leurs colonies plus loin vers le sud; un de leurs voyageurs,
Stépanof, explora le Soungari en 1654, et diverses tenta
tives de pénétration dans ces régions excitèrent les inquié
tudes des Chinois; ils commencèrent à prendre des mesures
de précaution et obtinrent en 1689 le traité de Nertchinsk :
la limite des deux empires désormais voisins fut fixée à
l’Argoun, le bras méridional de l’Amour. De ce côté, cette
frontière n'a pas changé depuis ; mais elle devait être mo
difiée très sérieusement dans le bassin inférieur du fleuve.
Vers l’ouest, au nord de la mer d’Aial, les Russes s’avan-