LA SCIENCE ÉCONOMIQUE
dans les questions économiques ne manquent pas pourtant
d’en user dans le train ordinaire de feur vie et dans la con-
duite de leurs affaires quotidiennes. Quiconque spéeule —
et qui ne spécule pas ? — exerce tant bien que mal la pré-
vision scientifique. Ce financier qui achète une action de tel
chemin fer prévoitla continuité etl’augmentation progressive
d’un certain trafic suivant une direction déterminée et, en
payant ce titre fort cher, il affirme par là, qu’il le veuille ou
non, sa ferme confiance dans la régularité d’une loi écono-
mique. Pourtant, il est bien certain que toute personne
ou tout colis qui cireulera sur cette route ne le fera que par
suite d’un acte de volonté. Et le Ministre des Finanees qui
augmente la taxe sur l’alcoo! ou le prix des timbres-poste
sait parfaitement que la consommation de l'alcool et la
cireulation des lettres sont et resteront facultatives :
néanmoins il prévoit qu’elles diminueront : il est même
obligé, pour établir son budget, de calculer le montant de
ces diminutions.
Enfin est-il besoin de dire que l'existence de loi naturelles
n’est aucunement incompatible avec l'initiative et l’activité
individuelles et que, tout au contraire, elle est la condition
sine qua non de leur efficacité? Comment l’homme pourrait-il
agir utilement sur les faits si ceux-ci n'étaient pas liés, entre
eux par une’ chaîne de rapports connus et constants? (1).
Sans doute, il est certains faits qui échappent, par leur
immensité ou leur éloignement, à toute action de notre part,
tels que les phénomènes de l’ordre astronomique ou
géologique ou même météorologique: nous n'avons ici qu’à
les subir en. silence: et notre faculté de prévision ne saurait
nous permettre d’échapper au choc d’une comète ou à un
tremblement de terre — mais que d’autres domaines où notre
science est quasi souveraine ! La plupart des composés de
la chimie inorganique, et les plus importants, ont été créés
par le savant dans son laboratoire. Quand on voit l’éleveur
* (1) Comme le fait remarquer spirituellement M. Espinas (Saciéfés ani-
males) si l’activité humaine était incompatible avec l’ordre des phénomènes,
il faudrait considérer comme un miracle le fait de faire cuire un œuf.
15