PRINCIPES D'ÉCONOMIE POLITIQUE
vail du labour, mais aussi celui de la meule et du pétrin qui
ont fait gémir tant de générations d’esclaves et de femmes.
Mais le froment a bien payé l’homme de son travail ! D’abord
précisément en lui apprenant la loidu travail régulier que la
vie pastorale n’avait pu lui apprendre : « Tu mangeras ton
pain à la sueur de ton front », puis en lui apprenant en
même temps l’épargne. Comme le blé est de conservation
facile, il a pu s’entasser dans les greniers. Le grenier a été la
première caisse d’épargne du genre humain. La famine,
jusque-là toujours menaçante, a été, sinon tout à fait con-
jurée, du moins très atténuée. Les deux autres grandes
céréales, le riz qui a suffi à nourrir les masses profondes de
la race jaune, le maïs qui a été l’aliment national du Nou-
veau-Monde, n’exigent pas autant de travail, sinon pour la
culture, du moins pour la préparation alimentaire : elles n’ont
pas besoin d’être converties en pain. Mais aussi n’ont-elles
pas donné à leurs consommateurs les mêmes vertus : jusqu’à
ce jour du moins l’hégémonie du monde a appartenu aux
mangeurs de pain.
Avec l’agriculture la vie nomade cesse peu à peu — pas
tout de suite, car les premiers essais ont dû vite épuiser la
terre. La cité naît. La substitution d’une alimentation en
partie végétale à l’alimentation carnivore des âges précédents
semble même avoir adouci les mœurs. Les hommes n’ont
plus offert à la divinité des sacrifices sanglants, mais, à la
place des victimes, la farine sacrée et le pain ‘sans levain.
Sans doute les peuples laboureurs ont fait la guerre comme
les peuples pasteurs, mais avec un peu moins de férocité,
semble-t-il. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les
fils de Caïn ont été plus doux que les fils d’Abel.
Avec l'agriculture, le travail prenant la première place, la
Nature, qui jusqu’alors avait pourvu presque seule aux
besoins de l’homme, passe au second plan. Quittons-la donc
pour le moment.
I] faut dire cependant que les modes primitifs d’exploita-
tion du sol n’ont pas disparu même aujourd’hui. H y a encore
en Asie ‘et en Afrique des peuples pasteurs, et s’il n’y a plus
86