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taire du travail; elle était souvent une abstention forcée, que
l’organisation imposait par la violence aux ouvriers récaleci-
trants. Les « escouades de surveillance », comme on les appe-
lait, devinrent l’instrument nécessaire des grèves. La force
matérielle de l’organisation s’y réalisait. La grève devenait
donc ainsi essentiellement violence, désordre dans les rues,
sabotage, boycottage. L’auto-défense économique s’était auto-
matiquement transformée en auto-défense matérielle: la lutte
de classe en guerre de classe.
En présence de cette attaque, les classes patronales
s’efforcèrent de se défendre. Elles s’organisèrent à leur tour
et résistèrent. Avec moins d’efficacité que leurs adversaires,
toutefois, étant plus égoïstes, plus individualistes, plus rebelles
à l'organisation. Mais, au cours des dernières années, les
associations patronales s'étaient aussi développées; la lutte
s’était faite plus âpre, la guerre quasi permanente et plus
dangereuse.
Entre les deux parties adverses se trouvait l’État, re-
présentant la collectivité toute entière. Et c’est précisément
pour l’État que, dans les derniers temps surtout, la situa-
tion créée par la réaction socialiste et la contre-réaction
patronale devint extrêmement grave. L’État libéral avait
vainement cherché de s’abstenir de la lutte et de protéger
simplement l’ordre publie pour éviter que la masse des ci-
toyens ne souffrit quelque dommage du choc des forces enne-
mies. Ce programme était irréalisable, car lorsque la lutte fait
rage non seulement entre des groupes isolés, mais entre tous
les ouvriers et tous les entrepreneurs sans qu’aueun groupe ou
qu'aucune catégorie y restent étrangers, il ne saurait y avoir
de paix pour un citoyen, quel qu’il soit. En fait, l’État
libéral dut bien vite assister, impuissant, à la lutte de tous
contre tous, c’est-à-dire an déchaînement de la guerre civile
et de l’anarchie.
Les grandes organisations ouvrières s’arrogèrent le rôle
d'’arbitres de la vie nationale. Elles constituèrent des États dans
l’État, disposant des services publics selon leurs caprices bien
plus que selon leur volonté. On vit ainsi, en Italie, la Confé-
dération générale du Travail, les Syndicats socialistes des
cheminots, des employés des postes et télégraphes, et des
gens de mer, suspendre la vie, le trafic ou les communications
du pays et décider de la politique étrangère de la nation, de
la paix et de la guerre. Les services publics essentiels furent à