NUTES 121
vaux de De Vries au nombre des tentatives destinées à amoin-
drir la valeur du darwinisme.
« Une des affirmations de De Vries attire l’attention : De
Vries prétend avoir réussi à découvrir le véritable processus de
formation des espèces nouvelles. D’après lui, ce processus ne
consisterait pas dans une transformation graduelle s’opérant sous
l’influence de circonstances déterminées, mais procéderait par
bonds, à la suite d’une cause interne inconnue. ‘Mais De
Vries se rend parfaitement compte qu’il est impossible d’ex-
pliquer par ces bonds les adaptations des organismes. Il se
rend compte que, seul, le darwinisme explique cette particula-
rité fondamentale des organismes. Aussi formule-t-il sa position à
l’égard du darwinisme de la façon suivante : la sélection natu-
relle détermine non pas l’origine des espèces, mais la destruc-
tion des espèces non adaptées. Cette distinction entre les deux
théories n’est pas bien grande. Mais même sous cette forme
elle tourne autour d’un jeu de mots, le terme « espèce » étant
pris dans deux sens totalement différents. Lorsque Darwin
publiait son livre De l’origine des espèces, il avait en vue les
espèces « bonnes » généralement adoptées, dans le sens de
Linné. Ce n’est qu’après la parution de ce livre que le bota-
niste français Jordan signala la présence, dans les limites des
espèces généralement adoptées, de groupes plus petits et pour-
vus de cette même stabilité qui était considérée comme la mar-
que distinctive de l’espèce. Et c’est à ce titre qu’on appelle
« espèces de Jordan » ces formes, et « jordanisme » la ten-
dance à remplacer les anciens groupes d’espèces par une clas-
sification en groupes plus petits. Ce sont ces nouvelles espèces,
inconnues à l’époque où Darwin publia son livre, que De Vries
entend par sa formule. Il est à noter que le fait en ques-
tion n’avait pas échappé à l’attention de Darwin. Il signalait
l’existence simultanée de variétés qui, visiblement, ne dispa-
raissent pas à la suite du croisement et partagent cette stabilité
avec les espèces ; autrement dit, il connaissait l'existence de
ce que, après Jordan, on a appelé « espèces mineures » et que,
de son temps, on considérait comme des variétés. Ainsi donc,
les variétés de Darwin (et de tous ses contemporains) sont appe-
lées par De Vries espèces, et cela au sens ultérieur de Jordan.
Résultat : la sélection ne donne pas naissance à. des espèces
nouvelles, elle ne fait que supprimer les espèces qui existent
déjà, mais ne sont pas adaptées. Quoi qu’il en soit, De Vries,
tout comme Darwin, ne trouve pas d’autre explication de la
transformation des espèces que la sélection. Il ne peut pas
se passer de ce principe, car il comprend la différence entre
simple variabilité et adaptation. On ne peut en dire autant
de Korjinsky. De darwiniste fanatique, il s’était subitement
transformé en antidarwiniste déclaré et prétendait avoir ima-
giné une théorie éliminant le darwinisme, alors qu’en réalité
an