14 LES ORIGINES HISTORIQUES DES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES
offres de service d’un déserteur portugais, le glorieux Mage!
lan, et c’est en cherchant la route des Moluques que celui-c
commence son prodigieux voyage. Ce fut après sa mort une
bien extraordinaire rencontre, au pied des girofliers et des pol
vriers, que celle des deux grandes rivales ibériques venues,
l’une par la route de l'Ouest, l’autre par la route de l'Orient.
Cette rencontre faillit aboutir à une guerre hispano-portu-
gaise, en attendant le jour où Philippe IX, par la réunion des
deux couronnes, essaiera d’accaparer, à la fois pour Lisbonne
3t pour Séville, tout le commerce dés épices.
Mais les concurrents veillaient. Lorsque Jacques Cartier.
remontant le Saint-Laurent, l'avait pris pour un bras de mer.
les cartes avaient inscrit ces mots sur l’estuaire : Per hoc fre-
fum iter patet ad Moluccas : par ce détroit passe le chemin
des Moluques, c’est-à-dire des épices. Et lorsqu’en 1578-79
Francis Drake tente cette audacieuse aventure de refaire le
voyage de Magellan, il's’arrête à Ternate, première en date
des colonies anglaises, et se fait concéder par le sultan de
l’île le monopole du commerce des épices ; il emporte, de cette
précieuse marchandise, tout ce que les flancs du Golden Hind
en peuvent contenir, et c’est cette réception à Ternate que la
reine Elisabeth fera graver sur la coupe qu’elle offrira à son
fidèle serviteur en l'armant chevalier. Puis, après l’annexion
des possessions portugaises à l’Espagne, ce sont les gens
d'Amsterdam qui enlèveront ce trafic à Philippe II et devien-
dront, si j'ose dire, les grands épiciers de l’Europe.
Longtemps le roi de Portugal avait joué ce rôle et il en avait
cuit à plus d’un de l’ignorer. Le grand humaniste Erasme
n’avait-il pas eu la maladresse de protester contre le mono-
pole portugais ! En 1530, un de ses amis, négociant d'Anvers,
l'avait sollicité de dédier une de ses œuvres à S. M. dom Ma-
noël le Fortuné. Erasme s’était exécuté. Puis, plus de nou-
velles. Rien ne vint de Lisbonne, ni une réponse, ni une de
ces gratifications dont les têtes couronnées avaient coutume
de payer les épîtres du prince des humanistes. Pourquoi cette
disgrâce? Parce que, dans sa dédicace, Erasme avait commis
le crime inexpiable : il avait. osé se plaindre à Manoël que le
sucre, plus abondant que jamais, fât vendu plus cher qu’au-
trefois par les agents du monopole royal. Le frileux écrivain,
qui ne pouvait supporter l’air surchauffé des poêles alle-