80 LES ORIGINES HISTORIQUES DES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES
Un point qui mériterait d’être mis en pleine lumière, et qui
semble avoir élé négligé depuis Ehrenberg, c’est la grande
crise . bancaire internationale qui secoua l’Espagne et la
France, puis se répercuta en Allemagne et probablement en
Italie, entre 1557 et 1550, jusqu’en 1565 ;. elle fut l’un des
causes de la paix hâtive de Cateau-Cambrésis. Ce krach euro-
péen sucuède à une période d'inflation de crédit, Il serait par-
ticulièrement intéressant d’étudier, sur pièces d'archives,
l’opération si hardie tentée à Lyon par le cardinal de Tournon
sous le nom de grand parti, et décrite de façon pittoresque par
Jean Bodin et Claude de Rubys. Dépassant de beaucoup les
pratiques encore timides des rentes sur l'Hôtel de Ville,
c’était l’application directe au crédit public de la formule déjà
employée en 1526 par Ambroise Hächstetter, et qui avait, dès
lors, provoqué une banqueroute retentissante. Celle de 1559
fut gigantesque, car la place de Lyon, comme celle d’An-
vers, était gorgée de papier, et les banques, dont beaucoup
sautèrent, eurent bien de la peine à se remettre de cette crise,
qui fut suivie par les guerres de religion.
Il est curieux de noter que l’Angleterre, future patrie du
banking, est alors pourvue d’uhe technique bien moins per-
fectionnée que l’Allemagne, l'Italie ou la France. Les grandes
ôpérations financières et commerciales d’Elisabeth, sa ré-
forme monétaire, les opérations des Stuarts ne se sont pas
failes sans le concours des banques, mais avec les banques
du continent, principalement celles d'Anvers. Le rôle de
Gresham, le célèbre Queen's merchant, s'explique en partie
par là, Et lorsqu’on s’étonne du retard de l’évolution bancaire
anglaise, de l'échec des diverses créations tentées pour se-
couer le quasi-monopole des goldsmiths, il ne faut pas ou-
blier que l'Angleterre avait ses banques de l’autre côté de
l’eau (").
C’est ce que des marchands italiens expliquent fort congrû-
meñnt à Gresham en 1576, en protestant contre les obstacles
apportés aux opérations de change. L’un de nous, disent-ils,
a de l’argent à Venise et veut entrer en Angleterre des mar-
(1) I ne faut pas oublier non plus « le rôle joué par la Cité de Londres
comme banquier du roi », facteur essentiel et d'importance croissante du
xIvé au xvii® siècle (Miss E.-J. Davres et M.-I. PRAKE dans Bulletin of the
Institute of Historical Research, t. TV. 1997. n. 165)