166 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
fieffermes, censives, complants, garantissent au propriétaire
une rente fixe et la propriété éminente (directe). Les autres,
benures ou champarts et hostises, lui procurent un revenu
proportionnel assez voisin de celui de notre système de
métayage. …
Les paysans libres qui cultivent ces terres n’en doivent
pas l'hommage et n’acquittent pas le droit de garde, mais
ils sont astreints à en payer une partie du revenu, sous
forme de rente fixe ou variable, appelée généralement
dans le premier cas cens (rins en allemand, pecho en. espa-
gnol, fitio en italien), et champart dans le second. Ils ne sont
pas propriétaires dans le sens strict du terme, mais ils
sont usufruitiers perpétuels pour la plupart ; ils ont, sui-
vant la terminologie médiévale, la propriété utile, à défaut
de la pleine propriété ou directe. En certains pays, en
Alsace par exemple, le paysan bénéficie des améliorations
(jus palæ ou droit de bêche) ; elles Ini appartiennent. En
France, le complanteur partage le sol planté avec le proprié-
taire. Le vilain, à l’origine, ne détenait sa terre qu’à titre
viager et inaliénable. Les contrats et les coutumes n’ont
pas tardé à faire de cette tenure roturière un bien patri-
monial, commele fief. Le vilain en est le vrai propriétaire,
en dépit des servitudes dont la terre est grevée. La plupart
des vilains franes d’Occident peuvent transmettre leur
tenure à leurs enfants, comme un véritable héritage,
moyennant le paiement d’un droit de succession qu’on
appelle en France double cens, relief, rachat, mortaille, en
Espagne luctuosa, aux Pays-Bas, et en Allemagne mortua-
rium, besthaupt ou vinicopium. Ce droit se paie à l’entrée
en possession des héritiers. La terre du vilain frane est
susceptible d’aliénation, moyennant le versement de
taxes de mutation (lods et ventes). Le vilain a le droit de
la diviser à l’infini et de l’exploiter comme il l’entend,
sauf si son exploitation est sujette à champart. Dans le
plus grand nombre des cas, il bénéficie de l’immutabilité
de ses redevances qui ne peuvent être perçues qu’à des