V,„ NOTICE SUR LA VIE ET LES ÉCRITS
peuple, et elle se préparait une olientelle innombrable qui, tôt ou tard,
devait l’investir du gouvernement.
Quant au peuple, on lui prêchait, comme de coutume, les joies de la vie
future et la haine du papisme ; on le faisait oppresseur pour lui faire sup
porter l’oppression. Il ne voyait le pouvoir qu’à travers le prisme brillant
de la victoire, et il payait avec joie l’impôt du sang et de ses sueurs dès
qu’on le berçait de l’hymne électrique : Rule Britania. Le canon vainqueur
de Trafalgar couvrait pour lui le canon sauvage de Copenhague, et peu lui
importait sa misère, son humilité dès que le roi d’Angleterre se déclarait
arrogamment souverain de la Grande-Bretagne et de la France. On peut le
dire:pour le peuple, en Angleterre, la guerre de la révolution fut un long
enivrement, un délire patriotique de vingt-cinq ans. Ne pouvant pas
lui donner ce pain que le despotisme romain accordait aux citoyens, les
lords lui donnaient l’autre partie du programme. Ils faisaient de 1 Eu
rope une arène sanglante, où il se Jetait avec fureur, donnant ses épar
gnes, sa vie, son âme, en battant des mains. Dans cette effroyable con
vulsion, le prolétaire voyait le pays à sauver, et il éprouvait une rage
patriotique, un besoin d’immolation. L’aristocratie, voyait dans tout cela
un duel d’influence, un coup de dé, où elle mettait pour enjeu sa prépon
dérance et sa richesse. De là, cet acharnement implacable avec lequel elle
prépara l’heure de sa vengeance : pavant avec son or les routes qui con
duisaient au cœur de notre pays, faisant mouvoir comme des automates
géants ces armées que renversa cent fois le souffle révolutionnaire et qu elle
releva cent fois, clouant enfin, sur le glorieux pilori de Sainte-Hélène, un
homme de génie et un principe.
Mais les principes et les nations ne se tuent pas à peu de frais, et le jour
où les alliés demandèrent le réglement de leurs subsides et vinrent toucher
le prix de leur sanglant holocauste, le parlement anglais sut ce qu il en coûte
pour servir les haines et l’intérêt d’une caste. La facture s’éleva, pour les
années comprises entre 1793 et 1814, au capital énorme de 623,451,268 I.
lesquelles, ajoutées aux 261,7 35,059 I., qui formaient, à la fin de la guerre
d’Amérique, la dette de l’Angleterre, firent peser sur les épaules de ce pays
une charge totale de 885,186,323 1. (22 milliards 200 millions de francs).
Les dépenses annuelles, qui étaient encore de 19,859,1281. en 1792, avaient
marché à pas rapides. Elles s’élevaient, en 1814, à l’effrayant total de
106,832,260 l. (2,670,806,500 fr.) : et l’Échiquier, qui suivait haletant la
marche des colonnes ennemies sur le continent, avait dù verser, entre les
mains de ses fidèles alliés, une somme de 46,289,459 L, où l’on ne retrouve
pas, sans douleur, 200,000 livres fournies à Louis XVIII, pour qu’il put
venir nous octroyer sa’ charte, et 31,932 st. pour des armes expédiées dans
le midi de la France.— Ne semble-t-il pas voir réellement, dans ces hideu
ses curées, quelque chose d’analogue aux salaires tachés de sang que d’in
fâmes assassins reçurent en d’autres temps, nous avons presque dit d’autres