40 PRINCIPES DE L’ÉCONOMIE POLITIQUE.
et à ériger les constructions nécessaires pour assurer et conserver le
produit. Adam Smith donne parfois au mot rente le sens rigoureux
dans lequel je cherche à le restreindre, mais le plus souvent il l’em
ploie dans le sens vulgairement usité. Ainsi il dit que les demandes
toujours croissantes de bois de construction dans les pays méridio
naux de l’Europe, faisant hausser les prix, furent cause que l’on
commença à affermer des forêts en Aorwège, qui auparavant ne pro
duisaient pas de rente. iN’cst-il pas clair cependant que celui qui con
sentit à payer ce qu’il appelle rente, n’avait d autre but que d acquérir
les arbres précieux qui couvraient le terrain, afin d obtenir pai leur
vente le remboursement de son argent, plus des bénéfices.^ Si après la
coupe et l’enlèvement du bois on continuait à payer au piopriétaiie
une rétribution pour la faculté de cultiver le terrain, soit poui y
planter de nouveaux arbres, soit dans tout autre but, on j)ourrait
alors en effet l’appeler rente, parce qu’elle serait payée pour la jouis
sance des facultés productives du spl; mais dans le cas cité par
Adam Smith, cette rétribution était payée pour avoir la liberté d’en
lever et de vendre le bois, et nullement pour la faculté de planter
de nouveaux arbres *,
En parlant aussi de la rente perçue pour les mines de charbon et
les carrières de pierre, auxquelles s’appliquent les mêmes observa
tions, il dit que la rémunération payée pour les mines ou les carriè
res représente la valeur du charbon ou des pierres qui en ont été
extraits, et n’a aucun rapport avec les facultés naturelles et indes
tructibles du sol. Cette distinction est d’une grande importance dans
1 Si les forêts du propriétaire norvégien étaient en coupe réglée, c’est-à-dire s’il
s’était arrangé pour que sa terre lui touriiît toujours le meme re\enu en arbres,
les arbres qu’il vendait, ou que le fermier de ses forêts \endait pour lui, for
maient bien en réalité le profit résultant du pouvoir productif de son fonds. Si la
pousse annuelle ne remplaçait pas la vente annuelle, alors il vendait chaque an
née une portion du capital dont ses terres étaient couvertes.
Smith me paraît au surplus fondé à considérer comme faisant partie du fonds
de terre le capital qui s’y trouve répandu en améliorations, en bâtiments d ex
ploitation, etc , et comme faisant partie du prolit des terres ou des fermages,
l’intérêt que le propriétaire retire de ce capital. Je sais qu’il est susceptible d’al
tération, de destruction absolue, tandis que le pouvoir productif du sol ne peut
pas se détruire. Mais quant aux profits, quant aux loyers, ce capital suit le sort
de la terre elle-même. Les améliorations faites à une terre ne peuvent être trans
portées à une autre ; elles augmentent sou pouvoir productif, et leur effet est en
tout semblable aux effets du pouvoir productif indestructible de la terre elle-
même. — J.-B. Sav.