PREFACE PAR G. MONOD.
VII
maîtresse de cours de l’Amour, à dominer en Mandchourie,
en Corée et dans le golfe de Petchili. La guerre du Japon
et de la Chine, en révélant la faiblesse du colosse chinois et la
force maritime et militaire jusque-là inaperçue du Japon,
cette Angleterre du Pacifique, a introduit un élément tout
nouveau dans le problème chinois. La France, la Russie et
l’Allemagne ont oublié les questions qui les divisent en
Europe pour arracher au Japon les fruits de la victoire,
afin d’empêcher un démembrement prématuré de la Chine
qui aurait surtout profité à l’Angleterre et au Japon coalisés.
Ce démembrement n’était du reste que retardé. La hardie
initiative prise en Chine par l’empereur Guillaume II, tou
jours fécond en surprises, a eu pour résultat de livrer toute
la côte orientale de la Chine aux convoitises européennes ;
la France étend la main vers le Yunnan, le Kouang-Si et le
cours du Si-Kiang, l’Angleterre vers le bassin du Yang-Tsé-
Kiang, l’Allemagne au sud et la Russie au nord du golfe
de Petchili, tandis que le Japon prétend à une sorte de pro
tectorat sur la Corée. L’Angleterre n’a pas vu sans dépit ce
partage d’influences dans un pays qu’elle regardait comme
une province de son empire commercial, et ce dépit a pris
parfois dans la bouche de ses ministres des formes mena
çantes.
Le danger africain se manifeste de trois côtés à la fois : à
l’est où l’Angleterre voudrait établir une ligne de commu
nication ininterrompue du Cap à Alexandrie et où la France
et l’Abyssinie menacent de couper cette ligne sur le Bahr-el-
Ghazal et le Banr-el-Abiad ou Nil moyen; à l’ouest où la ques
tion de Y Hinterland du Dahomey et du Congo a déjà risqué
de mettre la France et l’Angleterre aux prises sur les bords
du Niger et sur ceux du lac Tchad; au nord où la question
d’Égypte entretient entre la France et l'Angleterre des
froissements perpétuels, quise compliquent d’une lutte d’in
fluence de la France et de l’Italie en Abyssinie.
La question d’Égypte et les questions africaines en géné
ral ont des liens étroits avec le quatrième danger qui menace
la paix européenne, le danger musulman, ou en d’autres
termes, avec la question d’Orient. La poussée des Anglais
du sud au nord, du Cap aux grands lacs équatoriaux à tra-