Full text: Le travail dans l'Europe chrétienne au moyen âge (Ve-XVe siècles)

LES CAMPAGNES DANS L’ÈRE FÉODALE 183 
de droit divin et placent le serf à un degré encore inférieur 
à celui de la bête de somme. Un serf vaut au xI° siècle 
en France 38 sous et un cheval en vaut 100. L'Église 
elle-même ne sait que conseiller au maître la charité et au 
vilain l’obéissance et le respect sans limites. Mais la classe 
seigneuriale ne possédait point l’esprit de mansuétude et de 
justice qui pouvait provoquer l’attachement du paysan. 
Elle n’avait pour le vilain, dont le travail la faisait vivre, 
que dureté et dédain. « Fouler, gaber (railler), huer » le 
paysan, voilà son plaisir, avoue un prélat de ce temps. 
L énuée d’esprit d’équité et de pitié, cette classe régnait 
par la terreur et par la violence. 
L'esprit de révolte parmi les paysans à l'époque féodale 
primitive. — Les classes possédantes, maladroites organisa- 
trices du travail, avaient semé la haine. Elles suscitèrent 
l’esprit de révolte, qui mina sourdement ou ouvertement la 
forte organisation sociale et économique, sur laquelle repo- 
sait le régime féodal. Comme à l’époque carolingienne, et 
pour les mêmes motifs, encore aggravés, les populations 
rurales du x° et du x1° siècle ne subissaient pas toujoursavec 
résignation la dure condition qui leur était imposée. Elles 
cherchaient à se soustraire, par la fuite ou par l’émigra- 
tion, à l’existence intolérable qu’on leur faisait trop sou- 
vent. La rigueur des règlements relatifs au droit de suite 
en est la preuve manifeste. Tantôt, les vilains s’en vont, 
comme entrepreneurs de défrichements (hospites), mettre 
leurs bras au service de propriétaires plus cléments ou 
plus avisés. Tantôt, dissimulant leur état civil, ils se 
glissent en quelque seigneurie, où au bout d’un an et un 
jour, ils seront définitivement fixés. Parfois ils se mêlent 
aux troupes de pieux pèlerins qui s’en vont aux sanctu- 
aires consacrés, et sous ce prétexte, ils cherchent meil- 
leure fortune au dehors. Souvent ils vont grossir les bandes 
de vagabonds qui sillonnent les routes, de gens sans aveu 
ni lieu, de ces outlaws qui cherchent, sous l’abri des forêts
	        
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