LA DÉPENSE 9
en est aux barbares et non à la contemplation de ses ado-
rateurs.
Même dans le cas où la consommation a pour résultat une
destruction d'utilité, une sage économie trouve le moyen de
tirer encore parti de ces utilités mortes en faisant sortir de
leurs cendres quelque utilité nouvelle. Dans la production
industrielle on connaissait déjà et on pratiquait l’utilisation
des restes, c’est-à-dire des sous-produits, et nous avons vu
que c'était une des causes de la supériorité de la grande
industrie: avec les chiffons, on fait du papier; avec les
détritus d’aliments ou les scories des fourneaux, de l’engrais ;
avec les résidus de la houille, toute la gamme des parfums et
des couleurs ; avec les ordures ménagères, du savon ou de la
lumière. Mais c’est la Grande Guerre qui a eu pour effet de
mettre au tout premier rang cette science, jusque-là un peu
méprisée, de l’économie dans la consommation. Elle a été
poussée à un degré incroyable dans celui des pays belligé-
rants qui a eu le plus à souffrir de la pénurie des denrées,
en Allemagne. Il faut espérer que cet enseignement ne sera
pas perdu et qu’il mettra un terme à l’effrayant gaspillage de
richesses d’avant la guerre. Qu’est-ce que la science écono-
mique si elle n’est pas la science de « l’économie » ? Dans
une économie parfaite, aucune unité ne périrait, mais toutes
seraient transformées. Et la consommation ne serait que
l’histoire des métamorphoses de la richesse (1).
20 Si la consommation ne doit pas être confondue avec la
destruction, elle ne doit pas l’être non plus avec la produc-
tion. On pourrait croire que cette confusion est beaucoup
moins à craindre que la précédente: elle est pourtant fré-
quente et facile.
En effet, toute production de richesses exige une consom-
mation incessante de matières premières, houille, approvi-
sionnements, tout ce qu'on appelle capital circulant (p. 140).
(1) C'est ainsi que, grâce à la disette de papier, on vient de découvrir que
les feuilles mortes elles-mèmes, dont l'automne: jonche la terre, pouvaient servir
à faire du papier.
63‘