LA SCIENCE ÉCONOMIQUE
entendaient par là l’économie domestique (oïxos, maison ;
vôpos, règle, loi). Le qualificatif politique, choisi par Mont-
chrétien, indique qu’il s’agit, non plus de l'économie de la
maison, mais de celle de la nation, et ce mot venait très à
propos car il annonçait une révolution historique : ’avène-
ment des grands Etats modernes.
Mais il faudrait se garder de croire que cette date, celle
du baptême de l'Economie politique, soit aussi la date de sa
naissance. En tant qu’étude de faits, l’Economie politique
remonte à un passé beaucoup plus reculé; en tant que
science, c’est-à-dire de systématisation de ces faits, elle est
de date plus récente.
Les faits économiques, tout au moins certains d’entre eux,
tiennent une telle place dans la vie des hommes et même
des hommes primitifs, qu’on pourrait croire qu’ils ont dû de
tout temps les préoccuper. L'’échange était pratiqué dès l’âge
de pierre et la loi du travail se trouve inscrite dans les pre-
mières pages de la Genèse. Mais il ne suffit point qu’un fait
nous soit familier pour qu’il fournisse matière à une scienceg
tout au contraire, ce n’est qu’autant qu’il est extraordinaire
qu’il éveille la curiosité et provoque le désir d’une explica-
tion. Il ne semble point que les subtils philosophes grecs
aient éprouvé le besoin de s'expliquer à eux-mêmes pour=
quoi et comment les hommes libres s’étaient soustraits à la
loi du travail par le régime de l'esclavage : cela leur parais-
sait « tout naturel ». Mais ils avaient observé et très finement
analysé la nature de la monnaie, la division des métiers, les
formes d’acquisition de la propriété. Ce furent les prophètes
d'Israël d’abord et plus tard les Pères de l’Eglise et les
Docteurs du Moyen Age, sous la même inspiration religieuse,
qui furent frappés par le contraste entre la richesse et la
pauvreté : ils condamnèrent le luxe et surtout le prêt à inté-
rèt, usura vorax.
Toutefois on n’avait pas cherché le lien entre ces diffé-
rentes questions : on n’avait pas songé à en faire l’objet
d’une science d'ensemble. Elles rentraient dans les attribu-
tions du sage plutôt que du savant. Elles relevaient de la
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