LA SCIENCE ÉCONOMIQUE ‘
idées nouvelles qui étaient précisément à l’antipode du sys-
tème mercantile :
1° La foi dans l’existence d’un « Ordre naturel et essentiel
des sociétés humaines » (tel est le titre du livre d’un des
physiocrates, Mercier de la Rivière), ordre qu’il suffit de
constater pour que l’évidence s’en impose et nous oblige à
nous y conformer. Inutile donc d’imaginer des lois, règle-
ments ou systèmes : il n’y a qu’à laisser faire. Le mot de
Physiocratie est composé de deux mots grecs qui veulent
dire précisément « gouvernement de la Nature ».
2° La prééminence de- l’agriculture sur le commerce et
l’industrie. Pour eux, la terre seule, la Nature, est la source
des richesses ; seule elle donne-un produit net : les classes de
la société autres que la classe agricole sont des classes
stériles.
Le premier de ces principes devait servir de fondement à
tout l’édifice de la science économique : en effet, des faits
quelconques ne peuvent servir de base à une science qu'au-
tant qu’on a découvert entre eux des rapports d’interdépen-
dance, «un ordre essentiel et naturel ». Et ce ne fut pas
seulement une science nouvelle que le principe physiocra-
tique inaugura, mais aussi une politique nouvelle qui devait
durer un siècle et accomplir de grandes choses sous le nom
de politique libérale (1).
Malheureusement les Physiocrates avaient été moins heu-
reusement inspirés dans leur conception exclusivement
rurale de la production et de la richesse, comme nous le
verrons ci-après. En ceci, ils furent plutôt en retard qu’en
avance sur leur temps, car ils étaient à la veille de l’avène-
ment du régime industriel et capitaliste et l’ignoraient. Cette
erreur fondamentale entraîna le discrédit de leur système.
(1) Un économiste illustre de la même époque, Turgot, sans partager les
erreurs de l’école physiocratique, fat le premier à appliquer cette politique,
d'abord comme intendant de Limoges, puis comme ministre de Louis XVI:
— premièrement en décrétant la liberté des échanges par l'abolition des
douanes intérieures et droits sur les grains ; — ensuite en décrétant la liberté
du travail par l’abolition des cornorations.