18 LES ORIGINES HISTORIQUES, DES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES
optima. C’est ainsi que les exploitations espagnoles ou por
tugaises passaient pour donner des sels plus âcres que ceux
de France. Les plus réputés étaient ceux de la baie de Bour-
gneuf, si bien que le nom de bay salt, en Angleterre, de Baie
Salz, dans le domaine de la Hanse, finit par désigner le sel
marin. Au sel océanique se joignait d’ailleurs celui des salines
de la Méditerranée, le sel des environs d’Aigues-Mortes ou
de Peccais. Mais il rencontrait la concurrence des salines de
sel gemme, celles de la Comté, de la Lorraine, de la Bavière,
du Tirol autrichien, de la Hongrie, de la Pologne, sans par-
ler de la Russie, où les plus anciennes formes du capitalisme
sont nées. autour du sel. ‘
Il se trouvait qu’en face des pays détenteurs de sel se dres-
saient les pays acheteurs, qui s’en croyaient démunis. Les
bouviers suisses de ce temps-là ne se doutaient pas qu’il y
avait du sel dans le territoire des cantons, de leurs alliés el
confédérés. Surtout les peuples du Nord, spécialisés dans la
pêche, vivaient dans des mers froides à faible salure, mer du
Nord et Baltique. Pour conserver et ensuite pour vendre
leur poisson, ils étaient dans la- dépendance des terres plus
heureuses. En 1582, Thomas North écrivait de Copenhague
à Walsingham, le ministre d’Elisabeth : « Si stérile et si
pauvre est ce pays de Danemark, qu’il n’a commerce en
aucunes marchandises, sinon harengs et poissons, si bien
que le sel de la baie est la meilleure marchandise que re-
quièrent toutes les possessions du roi de Danemark. »
Pour nous représenter dans toute son ampleur le rythme de
ces échanges entre les pêcheurs nordiques, écossais, anglais,
néerlandais et les pays salifères, il faut penser à ces cara-
vanes qui, aujourd’hui encore, chargent sur leurs chameaux
le sel des chotts algéro-tunisiens pour aller ravitailler, à tra-
vers le Sahara, les populations dépourvues de sel de la steppe
soudanaise, ou encore songer à ce prodigieux bloc de sel du
Taoudéni qui a joué un rôle essentiel dans la formation des
empires de l’intérieur de l'Afrique.
Ce qui complique ce rythme, c’est que, depuis le milieu du
xvi° siècle, les pays pêcheurs, acheteurs de sel, passent, en
général, à la Réforme, tandis que la vieille Eglise continue
à dominer, dans l’ensemble, sur des pays producteurs. Une
distinction s’établit. pour parler la langue de Rabelais entre