LES CAMPAGNES DANS L’ÈRE FÉODALE © 177
qu’en petit nombre au XI° siècle. Si l’accession directe au
capital foncier leur est encore interdite, ils peuvent déjà,
par leur économie et leur ingéniosité, arriver à la possession
du’ capital mobilier, de l’argent, du bétail, des produits du
sol mis en réserve. Dès lors, il existe, même parmi les serfs,
certaines catégories de travailleurs parvenus à l’aisance.
En dépit des usages ou des préjugés, le vilain n’est pas
absolument enfermé dans ga condition. Quelquefois par
sa bravoure, il pénètre dans les rangs de la noblesse. Plus
souvent encore, son intelligence lui vaut d’entrer dans le
clergé. Le vilain franc peut améliorer sa situation en
changeant de maître, et le vilain serf lui-même, malgré
les règles de l’exploitation seigneuriale, est retenu diffi-
cilement sur la terre contre son gré. Le besoin de main-
d’œuvre est tel qu’on cherche, dès cette époque, à attirer
par des avantages spéciaux et de meilleurs traitements, les
individus les plus laborieux et les plus énergiques. L’affran-
chissement permet à nombre de vilains de s’élever un peu
plus haut dans la hiérarchie sociale des classes inférieures.
Les plus souples membres de ces classes se glissent même
dans les cadres administratifs de la seigneurie.
Si le vilain est sans défense contre l’arbitraire de son
maître, il est du moins, le plus souvent, à l’abri des entre-
prises des tyranneaux voisins. Le gouvernement seigneu-
rial lui assure, de ce'côté, une protection relative. Nulle
analogie encore avec la sécurité continue qu’obtient le
travail dans les sociétés modernes. Mais dans la société
féodale, un minimum de sécurité a été tout de même
obtenu. je régime féodal est né en effet d’une nécessité
sociale, du contrat de sauvement, de la protection accordée
par le soldat en échange des services utiles du mturier.
Le seigneur a assumé la charge de la défense militaire de
ses tenanciers, de la police et de l’administration. S’il s’en
acquitte souvent en protecteur capricieux et brutal, du
moins il essaie de la remplir, sous l'impulsion de l’intérêt
égoïste, en homme soucieux de ne pas diminuer le nombre
RorssoNnNADE.
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