178 : L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
et la valeur de son capital humain. Il n’a point admis, il
est vrai, ses sujets à partager avec lui l’exercice des droits
politiques, et il les maintient rigoureusement à. cet égard’
dans la dépendance. Mais des coutumes se sont établies,
expression « de la sagesse », de l’expérience, de la tradition,
suivant le terme germanique (weisthüämer), et le respect
qui les entoure garantit aux paysans un minimum de
privilèges que le seigneur n’ose violer. C’est ainsi qu’en
Angleterre le vilain peut en appeler au tribunal du roi,
s’il est l’objet des violences de son maître ; qu’en Alle-
magne, il est autorisé à interrompre ses corvées pour aller
soigner sa femme en couches ; qu’en beaucoup de régions,
il doit être nourri et parfois légèrement indemnisé quand
il travaille sur la réserve du propriétaire; que dans tout
l’Occident, il est autorisé à se grouper avec ses pareils en
associations de culture et de police commune; qu’il est
appelé à décider dans les assemblées de village des règle-
ments de pâturage et d'usage dés eaux ou des bois ; qu’il
est enfin apte à figurer dans le tribunal (cowr) domanial
qui juge ses pairs. Le régime seigneurial n’était pas une
véhenne, où le vilain doive abdiquer toute espérance, et
aussi dur qu’il fût pour le paysan, il lui laissait quelques
issues vers un meilleur avenir.
Précarité de la condition des vilains sous la première féoda-
lité. — Toutefois, pendant les deux premiers siècles où il
prévalut, ce régime fut extrêmement dur. Bien qu’il y ait eu
des seigneurs bons et charitables, comme le comte Gérard
d’Aurillac, dont l’Église a fait un saint, ou intelligents
administrateurs, comme les ducs de Normandie, les comtes
de Flandre et d’Anjou, la plupart des féodaux furent des
maîtres exigeants et capricieux, incapables de se sous-
traire à l’empire de leurs violentes passions. Leur despo-
sisme ne respectait guère la coutume ou le contrat. Ils
aimaient à dire qu’ils ne relevaient que de Dieu dans leurs
rapports avec leurs sujets. C’était. pour ces derniers, une