194 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
féodal, le clergé se montrait peu favorable à l’émanci-
pation politique et sociale des paysans, mais il donnait
l’exemple de l’amélioration de leur sort dans l’ordre écono-
mique. Il poussait avec une activité prodigieuse à la colo-
nisation agricole de l’Occident, dont les grands instituts
monastiques français ont été les promoteurs, dignes de
l’éternel hommage de l’histoire. Les domaines eeclésias-
tiques furent les centres où se forma l’agronomie, où
s’améliorèrent la sylviculture, la zootechnie, où se créèrent
les fermes modèles, où s’expérimentèrent les nouvelles
cultures, où la production agricole fut régénérée et stimu-
lée. C’est dans les terres d’Église et dans les villes, où domi-
nait l’autorité, épiscopale qu’apparaissent la division pro-
fessionnelle du travail, la première technique industrielle
perfectionnée, les premières écoles d’arts et métiers, et que
s'organisent les classes ouvrières. Les monastères, en parti-
culier, ont formé les générations de cette période de trois
siècles aux diverses formes supérieures de l’activité indus-
trielle, travail des tissus de luxe, tapisserie, broderie,
émaillerie, orfèvrerie, céramique, verrerie, architecture,
sculpture, peinture. Des écoles de Moissac, de Saint-Savin,
de Saint-Denis, de Fossanova, de Chiaravalle, de Saint-
Gall et de bien d’autres abbayes, sont sortis ces techni-
ciens qui ont initié les générations de ce temps à la pra-
tique savante des arts industriels. Enfin, l’Église a de
bonne heure aidé à l’avènement d’une nouvelle forme de
la richesse, l’économie mobilière. Elle a favorisé, autour
de ses centres de domination, urbains ou ruraux, le déve-
loppement des agglomérations marchandes, essayé d’as-
surer la sécurité et les facilités de la circulation, organisé
sous son égide les premières associations pour la réfection
des routes et des ponts, créé les premiers services de trans-
ports terrestres et fluviaux à grande distance, stimulé la
création des marchés et des foires, tenté la répression ou
l'abolition des coutumes barbares qui entravaient le com-
merce maritime, telles que la piraterie et le droit de bris.