242 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
l’arbitraire seigneurial ou monarchique. Londres elle-
même, en 1141, tente de proclamer la commune. La révo-
lution prend parfois le caractère implacable et tragique
d’une lutte de classes. À Laon, bourgeois et paysans assas-
sinent leur évêque sanguinaire et débauché. À Vézelay et
à Sens, les riches marchands de Bourgogne se débarrassent
par le meurtre d’abbés rapaces et oppresseurs. Rien n’égale
la ténacité et l’énergie que déploient ces marchands et ces
artisans pour conquérir la liberté. A Laon, ils ont pris trois
fois les armes, à Vézelay cinq fois, à Tours douze. La vic-
toire de la révolution communale et la conquête de l’éman-
cipation prouvèrent la force nouvelle des syndicats urbains,
unis dans la ferme volonté de faire valoir leurs droits au
travail et à la vie indépendante.
Caractère, étendue et limites du mouvement d'émanci-
pation des classes urbaines. — Le mouvement d’éman-
cipation répondait à des nécessités d'ordre économique
et social si impérieuses qu’il triompha partout en
Occident. Mais il fut loin de présenter partout le même
caractère et de conférer à toutes les populations urbaines
le même degré d'indépendance. Dans les pays, où les
gouvernements monarchiques et féodaux avaient con-
servé ou acquis un certain degré de puissance, les classes
commerçantes et industrielles durent se contenter de
l’oetroi de libertés civiles et économiques, d’un petit
nombre de libertés administratives, telles que celles
qui sont stipulées par les chartes de Lorris, de Breteuil
ou de Beaumont, dont bénéficièrent 380 villes ou bourgs
de France, des Pays-Bas et d’Angleterre. Un peu plus
étendues dans les villes de bourgeoisie, par exemple dans
celles qui reçurent des chartes sur le type des Ftablisse-
ments de Rouen, ces libertés ne confèrent point cependant
l’autonomie politique. Dans l’Allemagne des Staufen,
dans la France des Capétien, dans l’Angleterre des Plan-
tagenets, dans les Deux-Siciles, sous la monarchie anglo-