244 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
jour dans la ville, d’y contracter mariage, d’y posséder
un immeuble de prix peu élevé, ou seulement un cens
ou une rente, qui puissent servir, de garantie en justice.
La communauté n’exclut même pas les manants, c’est-à-dire
ces immigrants dénués de ressources qui ne lui apportent
que leurs bras. Elle leur concède les droits civils, sans les
admettre aux droits politiques. Dans les pays du Midi,
lle s’ouvre également à la classe des chevaliers, qui ne
professe pas pour la bourgeoisie le dédain habituel dont
fait preuve la caste militaire. La communauté urbaine
n’a de justes méfiances que pour les éléments irréductibles,
dont les intérêts sont nettement opposés aux siens, à
savoir pour les féodaux et les cleres qu’elle exclut formel-
lement du droit de bourgeoisie. Association de défense -
mutuelle, elle exige de ses membres un dévouement absolu,
garanti par le serment, en échange des droits précieux
qu’elle leur assure, surtout dans le domaine des intérêts
pratiques, en retour de l’indépendance qu’elle confère à
leur travail.
En principe, d’après la loi originelle de chaque grou-
pement urbain, en effet, tous les citoyens (cives) de la
ville, qui se nomment aussi les voisins (vecinos, vicini), et
les bourgeois, c’est-à-dire les citadins (burgenses), sont
égaux en droits. C’est le germe fécond d’où sortira, plus
encore que de l’égalité proclamée par le groupe des féodaux,
la démocratie médiévale, mère des démocraties modernes.
Nul n’est admis parmi les bourgeois à revendiquer des
privilèges particuliers. De plus, le bourgeois, artisan ou
marchand, est pourvu de la liberté personnelle. « L'air de
la ville, dit un proverbe germanique, fait l’homme libre. »
S'il y eut encore dans les villes, comme à Chartres, des serfs
ou des vilains, ce n'est pas dans l’enceinte propre de la
sommunauté urbaine qu’ils se trouvent, c’est dans la
partie de la cité restée sous l’autorité seigneuriale. Mais
la ville est si bien l’asile de la liberté qu’elle se nomme une
franchise et que l’habitant y est par essence franc (libre).