24 LE TRAVAIL PENDANT LE HAUT MOYEN AGE
Les classes supérieures et moyennes de l’ancienne société
romaine ont été balayées par la tourmente ou spoliées par
les Barbares. Les membres survivants de ces catégories
sociales ont dû fusionner avec les ‘conquérants. La pro-
priété a changé de mains, ici partiellement, là en totalité.
Dans les régions danubiennes et rhénanes, non contents
d’avoir occupé les terres du fise et les domaines aban-
donnés, les Germains se sont emparés de toutes les terres
privées. Il en a été de même en Grande-Bretagne, où les
Anglo-Saxons spolièrent en masse les Bretons. Ailleurs
dans la Gaule Belgique, du Rhin à la mer du Nord, les
Francs,’ hôtes anciens de l’Empire, s’approprient les
domaines du fise, dont ils n’étaient que les usufruitiers, et
s’installent sur les terres désertes, sans procéder à un
partage forcé inutile avec les Gallo-Romains. Dans toute
cette vaste zone de l’ancien Empire, le domaine romain
(villa) fait place au domaine familial (heëm, hem) ou au
domaine villageois (iun, weiller, dorf) germanique. Ailleurs,
les Burgondes, les Visigoths, les Hérules, les Ostrogoths,
soit en Gaule et en Aquitaine, soit en Espagne et en Italie,
ont invoqué, en l’altérant, en leur faveur, les droits que
l’État romain reconnaissait à ses défenseurs militaires.
Ils ont requis comme hôtes (hospites), en vertu de la cou-
tume officielle de l’hospitalité (hospitalitas), non seulement
le logement et l’habitation, mais encore le, partage des
propriétés et de leurs fruits. Les Visigoths et les Bur-
gondes revendiquèrent et occupèrent par les voies légales
les deux tiers des grands domaines de l’État impérial ou
de l’aristocratie, laissant aux grands propriétaires romains
le dernier tiers en toute propriété (tertia romanorum).
Ils se firent céder également les deux tiers des jardins, des
vignobles, du bétail, des esclaves, des colons, des mai-
sons. Anciens et nouveaux propriétaires, ceux-ci à titre
d'hôtes (hospites, consortes), cohabitèrent sur les mêmes
domaines et en partagèrent les revenus, suivant la propor-
tion légale. Ils jouirent en commun des forêts et des,pâtu-