380 LA FIN DU MOYEN AGE
gnonnage, comme on les appelle en France, les fraternités
{bruderschaften) comme on les nomme en Allemagne.
Fondés et souvent reconnus sous des prétextes de piété
et de charité ou d’instruction professionnelle, parfois
constitués sans autorisation et couverts par le secret ou par
l’observation de rites mystérieux, ces syndicats ouvriers
brisent le cadre étroit de la cité, s'étendent à des régions
et à des pays entiers, forment, par exemple dans les pays
rhénans, de véritables fédérations, concluent entre eux
des traités d’alliance et de réciprocité. ;
Ils facilitent à leurs membres l’acquisition de l’ins-
truction technique, en organisant des voyages de ville
en ville de pays. à pays, tours de France, tours
d’Allemagne, ‘qui durent parfois, dans cette dernière
contrée, jusqu’à cinq ans. Ils ont partout des corres-
pondants, ils assurent aux ouvriers le logement et l’em-
bauchage à des conditions équitables. Ils savent au besoin
imposer aux patrons des contrats de salaires -avanta-
ceux. Ils admettent même à l’occasion les ouvrières aux
bénéâces de leur association. Ils ont leurs administrateurs,
doyens, gouverneurs, gardes, leurs assemblées, leurs coti-
sations, leurs caisses, leurs fêtes, leurs banquets, jusqu’à
leur police et à leurs réunions secrètes, telles que celles
des ouvriers du bâtiment « les libres maçons », avec des
initiations, des serments, des moyens de correspondance
romantiques. D'ailleurs, intolérants et exclusifs, ils font
la chasse à l’ouvrier isolé, au « renard » ou au « sauvage »,
pour le forcer à entrer dans l’association. Ils prétendent se
réserver les placements, la fixation des conditions du
travail et du salaire. Tls ont ainsi ébauché en quelque sorte
la première internationale ouvrière, qui coexiste avec
d’autres groupements locaux innombrables, les confréries,
dont l’objet est surtout religieux, mais dont le cadre sert
également aux compagnons, pour organiser les ententes
et la défense mutuelle, en dépit des méfiances et des
interdictions prodiguées par l’Église et les pouvoirs publics.