CONQUÈTES DU TRAVAIL AU MOYEN AGE 415
échanges rétablie et accrue d’une manière prodigieuse,
de même que la production industrielle, donnèrent à la
richesse mobilière et à la vie urbaine une impulsion extraor-
dinaire. Les classes laborieuses, groupées dans les villes,
mettant en œuvre la puissance irrésistible de leurs syn-
dicats révolutionnaires, conquirent à la fois la liberté et le
pouvoir. Elles donnèrent au travail la forte armature du mé-
tier libre et de la corporation jurée. Pour la première fois, des
millions de travailleurs émancipés prirent conscience de la
puissance formidable de l’association, firent reconnaître la
valeur sociale de leur labeur, s’élevèrent à des conditions
matérielles et morales d’existence que leurs devanciers
n’avaient jamais connues.
A leur exemple, sous l’influence des besoins nouveaux,
les classes rurales dont le concours assara le succès d’une
des plus grandes œuvres dont l’histoire devrait garder le
souvenir, la colonisation de l'Europe chrétienne, s’éman-
cipèrent à leur tour, et conquirent l’ensemble des
libertés civiles et économiques, dont elles avaient été
dépourvues jusque-là. Elles commencèrent à accéder
à la propriété, elles améliorèrent les conditions de leur
vie, elles arrivèrent souvent à l’aisance et au bien-être.
Elles furent associées à l’administration locale ; elles
s’élevèrent dans la hiérarchie sociale. Reprenant enfin le
rôle que l'Orient affaibli ne pouvait plus rem plir, la civili-
sation de l’Occident transformait à son image le régime
économique et social des jeunes pays du centre, du nord
at de l’est de l’Europe, provinces nouvelles de la chré-
tienté.
Mais pendant les cent dernières annéesdu moyen âge,
ne crise menace la solidité du nouvel édifice où prospé-
rait le travail. Les nationalités et les États se heurtent ;
l'anarchie reparaît; l’économie nationale recueille, au
milieu du désordre, l’héritage de l’économie féodale et de
l’économie urbaine. De terribles fléaux, enlevant à l’Eu-
rope la moitié de sa population, amènent une raréfaction