160 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
qui correspond au fise français ou la massæ. L'ancienne
villa ne subsiste plus guère que comme cadre territorial
(finage), plus ou moins étendu. Chaque groupe a un centre
économique qui est l’une des résidences du seigneur, le
château. Celui-ci n’est souvent qu’une simple motte de pier-
res brutes avec enceinte gazonnée, à l’aspect de ferme forti-
fiée. Ce centre se présente dans les grands domaines sei-
gneuriaux, comme un ensemble imposant de construc-
tions groupées autour du donjon (dominium), où séjournent
le seigneur et sa famille, ainsi que son escorte militaire et
civile. D'abord en bois, puis en pierre, de plus en plus
fortifié avec art, le château, qui a remplacé la villa comme
résidence du maître, est à la fois une forteresse et le cœur
de la vie économique de la seigneurie. On y trouve les
approvisionnements et les réserves de vivres concentrées
dans des celliers et des greniers, ainsi que du bétail dans les
étables. On ÿ rencontre parfois des jardins ou des vergers, au-
tour de l’enceinte ou à l’intérieur, et des établissements, tels
que des pressoirs et des fours, annexes de la ferme. Tel est
aussi l’aspect des grandes abbayes, également fortifiées
et munies de tours, mais où les greniers, les granges, les
étables ont souvent de vastes proportions. C’est là que se
maintient l’ancien système d’administration économique,
avec ses services (ministeria), spécialisés sous le contrôle
du seigneur ou de l’abbé. Les grands feudataires laïques
en confient la diréction à de hauts fonctionnaires : le
maréchal, le connétable, le chambrier, le bouteiller. Ils
ont même parfois, comme aux Pays-Bas, un personnel
bureaucratique (les notaires) pour transmettre leurs
ordres. Généralement, pour chaque grande exploitation,
ce sont des agents de condition modeste, qu’on nomme
les intendants, les maires, les écoutêtes, les baillis, les gas-
taldes, les prévôts et‘les juges, qui assument la surveillance
du travail, assistés à l’occasion d’un personnel spécialisé
de forestiers, de veneurs (pour la chasse), de maîtres por-
chers et de maîtres valefreniers et autres chefs de services