86 LE TRAVAIL PENDANT LE HAUT MOYEN AGE
aux colons. Le monachisme occidental, s’éloignant de
l’idéal contemplatif des moines d’Orient et renonçant
pour la majeure part au séjour des villes, assigne d’abord
pour but à l’activité de ses ermites disséminés dans les
campagnes, le défrichement du sol. Son impulsion devient
décisive, lorsque les deux grands rénovateurs de l’insti-
tution monastique, l'Italien Benoît de Nursie (vr° siècle)
et l’Irlandais Columban: (vrr® siècle), groupent les moines
en puissantes associations, les concentrent en de vastes
monastères et leur imposent pour règle le travail manuel
limité ou illimité, comme une obligation imposée par la
divinité même et comme une moyen de dompter la nature
humaine. Pour bannir l’oisiveté, « cette ennemie de l’âme »,
Benoît de Nursie assigne six à sept heures de travail
manuel par jour à ses moines, que l’Europe désigne dès
lors sous le nom de « travailleurs » par excellence (monachi
laborantes). Columban exige que ses disciples travaillent
jusqu’à l’épuisement, « qu’ils se couchent brisés de fatigue
et qu’ils dorment debout ». D'ailleurs l’idéal ascétique est
d’accord avec les nécessités économiques. Établis dans les
forêts et sur les terres désertes, les moines sont obligés, pour
vivre en communauté, de devenir défricheurs. Les Béné-
dictins portent donc, en vertu de leur règle, une serpe à
la ceinture comme insigne de leur habituelle occupation.
Columban marche en tout temps avec une escorte de
bâcherons. Le moine Théodulf près de Reims ne cesse
pendant 22 ans.de manier la charrue, qu’après sa mort on
garde, en signe de vénération, à l’église de Saint-Thierry.
Le célèbre réformateur bénédictin du Ix° siècle, Benoît
d’Aniane, laboure, bêche, moissonne, en compagnie de
ses moines. Les vastes étendues de landes, de déserts et
de bois que concèdent les grands et les fidèles sont aussitôt
entamés par les pieux défricheurs, que viennent aider des
bandes de paysans, assurés de trouver à lombre 'des
cloîtres, une vie plus douce et plus sûre. Dans les elairières
des bois, sur les îles des marais, aux environs des sources,