CHAPITRE Il
LES INVASIONS ÊT LES ÉTABLISSEMENTS DES BARBARÉS
DANS L’ÉUROPE CHRÉTIENNE; LA RUINE DU RÉGIME
SOCIAL ET ÉCONOMIQUE ROMAIN (V°-VIT® SIÈCLE).
L’infiltration des Barbares dans l'Empire romain et le
caractère des invasions. — Jusque-là, pendant près de six
siècles, à l’aide de son admirable réseau de forteresses et de
camps retranchés, auprès desquelsles 400.000 légionnairesde
ses armées permanentes montaientla garde, l'Empire romain
avait pu résister à la poussée continue de la barbarie mena-
sante. Il avait fini par se croire invincible et immortel.
Aur° siècle, il avait résisté à la plus grave des tentatives
qui avaient été faites contre lui, depuis celle des invasions
gauloises, teutoniques et cimbriques. Au bout de cinquante
ans de lutte, Aurélien, Claude et Dioclétien étaient par-
venus à restaurer la forte armature de l’Empire. Mais déjà
une politique qui se croyait habile, et qui était impré-
voyante, avait laissé se produire dans l’édifice romain
de lentes infiltrations, funestes pour sa solidité. Beaucoup
d’éléments barbares avaient été introduits dans les pro-
vinces."On avait fait entrer des Barbares de toute origine
dans les légiofs à titre d’auxiliaires (Iæti, fœderati), isolé-
ment ou en corps. On en avait distribué un grand nombre
d’autres, faits prisonniers, dans les grands domaines qu’ils
cultivaient à titre de colons : « Les Barbares, disait Probus,
travaillent pour nous ; pour nous ils sèment et combattent. »
Périlleux expédient, qui entretint l'illusion de la force et